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La Chine et l’Europe ont-elles les moyens de faire chuter les « 7 fantastiques » ?

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Mis à jour par
Célia Simon

13 octobre 2025 12:30 CET
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Les « 7 fantastiques » (Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, Nvidia, Tesla) dominent les indices américains par leur poids et leur capacité à fixer le récit technologique (IA, cloud, plateformes). La question n’est pas seulement politique : la Chine dispose d’outils « durs » (chaînes d’approvisionnement, matières critiques, marché de consommation, contrôles), l’Europe d’outils « légaux » (droit de la concurrence, DMA/DSA, fiscalité numérique, réglementation IA/données).

Un plan d’action coordonné, même informel, pourrait accroître la prime de risque spécifique à ces groupes d’actions et provoquer une revalorisation à la baisse de leurs multiples. Voici comment.

Levier chinois : l’amont industriel et la contrainte administrative

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a) Matériaux et composants critiques

Pékin peut resserrer les licences d’exportation sur des terres rares/fonctions de raffinage (aimants haute performance, matériaux dopants, réactifs), filtrer certains équipements pour serveurs IA, ralentir le transit logistique de composants non substituables à court terme. Transmission : hausse des coûts, retards de livraison pour les data centers et l’électronique grand public → compression des marges chez les méga-caps dépendantes (Apple pour le hardware, Microsoft/Alphabet/Amazon pour la capacité cloud, Nvidia pour l’écosystème GPU).

b) Marché de consommation et fournisseurs

La Chine peut durcir les audits cybersécurité, pousser des campagnes de substitution locale, ou réorienter la commande publique vers des alternatives domestiques (terminaux, clouds, suites logicielles). Pour Apple et Tesla, la menace d’un biais réglementaire dans la distribution, les autorisations, ou la publicité peut peser sur les volumes et la visibilité.

c) Contraintes financières indirectes

Sans déclencher de choc systémique, Pékin peut moduler la rhétorique sur les réserves de change/obligations US, ou retarder certains investissements entrants/sortants dans les écosystèmes américains (fournisseurs, JV). Ce n’est pas le levier le plus rapide, mais il nourrit l’incertitude et donc la décote de risque.

Levier européen : le droit et la régulation comme « taxe d’incertitude »

a) Digital Markets Act (DMA) et DSA

 L’UE peut durcir l’application (amendes, injonctions) : interdiction de self-preferencing, interopérabilité imposée (messageries), ouverture des app stores (Apple), transparence publicitaire (Meta/Alphabet). Ces remèdes rognent les rentes de plateforme (taux de commission, ciblage, bundling) et abaissent le multiple en ramenant les marges vers des niveaux plus « compétitifs ».

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b) Antitrust structurel et adtech

Des procédures ciblées (adtech, cloud, bundles OS-apps) peuvent mener à des séparations fonctionnelles (remèdes de conduite, voire break-up à terme), ou à des engagements qui plafonnent la monétisation. Chaque étape crée une incertitude pluriannuelle que les marchés actualisent.

c) Fiscalité & données

Une taxe sur les services numériques harmonisée, une application stricte du RGPD (amendes + restrictions de transfert), le data-sharing sectoriel (santé, mobilité), et des labels de souveraineté cloud plus exigeants (localisation, chiffrement) renchérissent le coût de conformité des « 7 ».

d) AI Act et responsabilité.

En imposant évaluations de risques, traçabilité des modèles, et devoir de diligence sur l’IA générative, l’UE peut allonger les cycles de mise sur le marché et renforcer les coûts de contrôle pour Microsoft/Alphabet/Meta/Amazon—au moment même où l’IA justifie une part clé de leurs multiples.

Un plan d’action « coordonné » réaliste (horizon 3–9 mois)

Phase 1 (T0–T+60 jours)

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  • Chine : annonces de licences renforcées sur une liste courte de matériaux et de procédés, revues cybersécurité sur apps/terminaux américains, signal de substitution dans la commande publique.
  • Europe : mises en demeure DMA/DSA, amendes RGPD symboliques, lancement/accélération de dossiers antitrust adtech/cloud, publication de guidances AI Act ambitieuses.

Phase 2 (T+60–T+180 jours)

  • Chine : rationnement administratif des exportations les plus sensibles, contrôle accru des sous-traitants, audits sur certains sites de fabrication.
  • Europe : remèdes imposés (interop, side-loading, fin de certains bundles), conditions d’accès plus strictes aux données publiques/sectorielles, pressions sur interopérabilité cloud.

Phase 3 (T+180–T+270 jours)

  • Chine + UE : standardisation de nouvelles exigences (sécurité/IA/données) qui favorisent des alternatives locales, tout en restant dans le cadre OMC/droit de la concurrence—donc politiquement défendables.

Chaînes de transmission boursière

  1. Révisions de marges et capex : retards d’approvisionnement, coûts de conformité → abaissement des estimations sell-side.
  2. Décote de gouvernance/risque : menace de remèdes structurels, visibilité réduite → contraction de multiples (P/E, EV/EBITDA).
  3. Boucle de rachat d’actions : si les cash-flows sont moins prévisibles, les buybacks ralentissent, privant les cours d’un soutien mécanique.
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Effet d’entraînement indiciel : la concentration du Nasdaq fait que quelques points de multiple en moins sur les « 7 » pèsent disproportionnellement sur l’indice.

Scénarios d’impact (ordre de grandeur, non prédictifs)

  • Scénario « serrage soft » (annonces + premières amendes/remèdes)
    Nasdaq : –5 à –8 % par compression de multiples (tech mega-cap).
    Or : +3 à +7 % (recherche de pare-chocs).
    Bitcoin : –10 à –15 % initialement (actif risqué, effet d’illiquidité), avec rebond possible si la narration « actif non souverain » reprend le dessus.
  • Scénario « durcissement matériel » (licences serrées + remèdes DMA douloureux)
    Nasdaq : –10 à –15 % (révisions de BPA + prime de risque réglementaire).
    Or : +8 à +15 % (hedge géopolitique).
    Bitcoin : –15 à –25 % en phase 1 (délestage de risque, appels de marge), puis trajectoire dépendant des flux vers les ETF et de la corrélation actions/crypto.
  • Scénario « choc coordonné » (rationnement ciblé de matériaux + injonctions structurelles en UE)
    Nasdaq : –15 à –25 % (baisse des multiples + sentiment), leadership growth remis en cause à court terme.
    Or : +15 à +25 % (prime de sécurité).
    Bitcoin : trajectoire bimodale : sell-off initial (–20/–30 %) puis possible divergence si l’arbitrage « non souverain » l’emporte sur le bêta tech

Limites et effets boomerang

  • Coût pour la Chine : frapper l’amont industriel renchérit ses propres filières exportatrices et stimule l’effet substitution (ré-industrialisation ailleurs).
  • Coût pour l’Europe : des remèdes trop agressifs peuvent pénaliser l’écosystème développeurs/PME (frictions d’intégration) et attirer des rétorsions réglementaires américaines.
  • Capacité d’adaptation des “7” : diversification de supply chain (Inde, Vietnam, Mexique), plaidoirie publique et contournements techniques (cloud multi-régions, app stores alternatifs contrôlés), ce qui atténue l’impact à moyen terme.

Verdict

Oui, la Chine et l’Europe ont des moyens réels de faire baisser la valorisation des « 7 fantastiques » : la première par l’amont matériel et administratif, la seconde par le droit et la réglementation. Une séquence coordonnée créerait une prime d’incertitude durable et rognerait les multiples. Non, « faire tomber » au sens de briser durablement leur leadership n’est pas probable sans mesures extrêmes et auto-dommageables. Les « 7 » gardent des moats (talent, cash, écosystèmes) et une agilité d’adaptation.

Pour les marchés, la boucle est claire : Nasdaq sensible via la concentration, or gagnant statistique en stress géopolitique, bitcoin d’abord corrélé au risque puis potentiellement décorrélable si la thèse « actif non souverain » reprend le dessus.

La morale de l’histoire : il n’y a pas de vainqueurs dans une guerre commerciale.

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