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Crypto Polémique : les PERPS valent-ils mieux qu’un billet de loterie ?

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Mis à jour par
Célia Simon

30 septembre 2025 20:00 CET
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Les perpetual futures—ou PERPS—sont devenus l’arène préférée de la spéculation crypto. Ils ressemblent à des contrats à terme classiques… sauf qu’ils n’expirent jamais. Pour rester proches du prix “spot”, ils utilisent un taux de funding périodique : quand le perp cote au-dessus du spot, les longs paient les shorts ; l’inverse si le perp est en dessous. Ce mécanisme incite les traders à ramener le contrat vers le cash. Sur le papier, c’est élégant. Dans la vraie vie, c’est une centrale à levier où l’on peut gagner très vite… ou tout perdre en quelques minutes.

Comment fonctionne vraiment un PERP (en deux minutes)

  1. Pas d’échéance. Contrairement à un future mensuel, un perp ne “roule” pas : vous tenez la position aussi longtemps que vous avez de la marge.
  2. Funding rate. Toutes les 8 heures (typique), un paiement long ↔ short s’effectue selon l’écart perp/spot sur la période. Ce n’est pas un coupon, c’est un transfert entre traders qui vise l’ancrage au spot.
  3. Levier. Les plateformes autorisent de fortes multiplications de taille (jusqu’à 50–100× sur certains marchés), ce qui rend la liquidation fulgurante si le prix bouge contre vous.
  4. Appels de marge et liquidations. Si votre marge tombe sous un seuil, la plateforme ferme votre position, souvent par une vente forcée qui peut nourrir des cascades.

Sur le plan théorique, certains parlent “d’arbitrage de funding” (être short perp/long spot quand le funding est positif, et inversement). En pratique, rien n’est sans risque : spreads, coût du capital, glissement, appels de marge, et surtout absence d’échéance qui empêche de “laisser expirer” le trade à son avantage.

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Des gains qui font rêver… jusqu’au coup de balai

L’attrait des perps tient en un mot : vitesse. Avec 10× de levier, +1 % sur le sous-jacent = +10 % sur votre position (hors funding et frais). Avec 50×, un mouvement de 2 % peut doubler la mise. Côté pile, des fortunes éclairs ; côté face, des carnages.

Ces derniers mois, les liquidations se comptent régulièrement en milliards sur 24 h. Fin septembre 2025, une vague a effacé ~1,5 à 1,7 Md$ de positions (plus de 400 000 comptes touchés), avec ETH particulièrement frappé. Quelques jours plus tard, une autre salve dépassait 300–350 M$ en quelques heures. Ce ne sont pas des épisodes exotiques : ce sont des respirations quasi-mensuelles d’un marché dopé au levier.

Exemple simple (et brutal).

  • Vous achetez 100 000 $ notionnels de BTC en 50× avec 2 000 $ de marge.
  • Un reflux de 2 % suffit à faire fondre la marge sous le seuil : liquidation.
  • Le même reflux sur du ne coûte “que” -10 % (avant funding).

Le message : le levier comprime le temps entre espérance et ruine.

“Billet de loterie” ? Ce que disent les chiffres d’usage

La popularité des perps est telle qu’ils dominent l’activité. En 2025, les perps comptent ~68 % du volume de trading sur Bitcoin, selon Kaiko (relayé par le Wall Street Journal). Et, depuis des années, le marché dérivés (futures + options + perps) pèse bien plus que le spot—déjà >70 % de part de marché en 2023 sur les plateformes centralisées, tendance confirmée en 2025 avec des records de volumes mensuels. Autrement dit : la majorité de l’action crypto se joue dans les dérivés, et au sein des dérivés, ce sont les perps qui mènent la danse.

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Côté plateformes, l’hégémonie est claire : Binance reste le plus gros marché de perps (dizaines de milliards de dollars par 24 h, open interest massif, part de marché perp BTC estimée à ~38 % mi-2025). D’autres venues (Bybit, OKX, Bitget) pèsent lourd, et le segment on-chain a explosé (ex. Hyperliquid), attirant une part croissante du levier sans intermédiaire.

Ce qui rend les perps si… aléatoires pour le trader lambda

1) La micro-structure amplifie les surprises.

Les perps sont sensibles aux chocs de liquidité : un carnet plus creux qu’il n’y paraît, des ordres en chaîne, des algos qui chassent les niveaux de liquidation (visibles statistiquement). Un “petit” titre de presse ou un mouvement dollar peut déclencher une spirale. Les journées à >1,5 Md$ de liquidations ne tombent pas du ciel.

2) Le funding vous mange à petit feu… quand il ne vous sauve pas.

Gagner “contre” le funding (ex. long perp quand le funding est très positif) peut coûter cher si le marché ne s’envole pas assez vite. À l’inverse, vous pouvez “être payé” pour tenir une short… juste avant un squeeze. Le funding est un friction cost qui rend la market-timing plus important que le simple sens de la tendance.

3) Le levier compresse l’horizon de décision.
Avec 20–50×, vous n’avez pas “un mois pour avoir raison”, vous avez quelques minutes. Cela pousse à des comportements myopes, proches du jeux d’argent : rejouer, moyenner, “double or nothing”.

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4) Les cascades de liquidation créent des “queues grasses”.
La distribution des rendements sur perps n’est pas gaussienne ; elle a des queues épaisses (gros mouvements rares mais dévastateurs), d’où la sensation d’aléa pour l’utilisateur final.

“Oui mais on peut gagner gros” : vrai… et trompeur

Il est possible d’enchaîner de très gros gains avec des perps : de nombreux témoignages exhibent des x5, x10 en quelques jours. Mais ce sont des échantillons conditionnés : on voit les gagnants, on parle moins des milliers d’équivalents billets perdants qui ont fini en liquidation. Quand un marché fait +2 % et que vous êtes en 50×, vous affichez +100 % sur l’interface ; quand il refait –2 % le lendemain, vous disparaissez des statistiques.

Les plateformes, elles, gagnent quoi qu’il arrive : frais, intérêts de funding (redistribués entre traders, mais qui stimulent l’activité), et volumes record. En août 2025, le volume combiné spot+dérivés sur CEX a atteint ~9,72 T$, un plus haut de l’année, largement porté par les dérivés. C’est un jeu où, statistiquement, la maison encaisse la commission et les traders paient le prix de l’égarement temporel.

Trois “exploits” fréquents… et leurs pièges

  • Funding-arb naïf : short perp / long spot quand le funding est très positif. Risque : désancrage prolongé (le perp peut rester cher longtemps), frais de portage, et appels de marge sur le short si le marché squeeze.
  • Hedge d’un portefeuille spot : ouvrir un short perp pour couvrir un sac d’alts. Risque : corrélations instables, base qui varie, et liquidation du hedge au pire moment.

Scalping à fort levier : profiter de micro-variations. Risque : slippage invisible et frais ; il faut une taux de réussite démesuré pour compenser.

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Alors, PERPS = billet de loterie ?

Pas exactement. Un billet de loterie a une espérance négative connue et un résultat purement aléatoire. Les perps sont des marchés : on peut y construire des stratégies robustes (gestion de taille, deltas neutres, couverture cross-venues). Mais pour la majorité des utilisateurs, l’expérience ressemble à de la loterie pour trois raisons :

  1. Levier excessif + horizon très court = résultats dominés par le bruit.
  2. Cascades et micro-structure rendent les queues de distribution imprévisibles.
  3. La psychologie (FOMO, revanche après perte) pousse à multiplier les prises de risque.

Ajoutez que, en 2025, les perps pèsent l’essentiel du volume BTC (~68 %) et une fraction énorme du marché dérivés (lui-même > spot), et vous obtenez une économie de casino qui, par moments, inonde le prix du sous-jacent. Quand la mer se retire, les chiffres de liquidations (>1,5 Md$ en une journée fin septembre) montrent qui nageait sans maillot.

Verdict (et boussole pratique)

  • Pour le public : si vous tenez vraiment à trader des perps, réduisez le levier (≤3×), fixez un stop-loss dur, limitez la taille (1–2 % du capital), et traitez le funding comme un coût réel.
  • Pour l’investisseur : préférez le spot ou des hedges simples via options/futures à échéance ; les perps ne sont pas nécessaires pour s’exposer au thème crypto.
  • Pour comprendre le prix : sachez que la part de volume liée aux perps est aujourd’hui prépondérante ; ils propulsent les hausses et accélèrent les chutes.

Les perps ne sont pas le diable : ce sont des outils. Mais utilisés comme des billets de loterie, ils finissent avec le même résultat que les billets de loterie—sauf que la mise est souvent plus grande, et la déception, plus rapide.

La morale de l’histoire : Ma grand mère joue au Loto, je joue aux Perps.

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