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Le dollar finalement détrôné ? L’IA et la crypto réinventent ensemble la finance mondiale

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Ecrit par
Shota Oba

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Mis à jour par
Célia Simon

30 octobre 2025 08:19 CET
Trusted
  • La part du dollar dans les réserves mondiales atteint un creux de 25 ans (56,32 %), alors que 94 % des banques centrales testent les MNBC.
  • La finance alimentée par l'IA accélère la diversification, automatisant la conformité, la liquidité et le règlement.
  • Les experts voient 2027 comme l'année de changement clé, mais pourquoi ?
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La domination du dollar a longtemps défini la finance mondiale. Pourtant, alors que les banques centrales expérimentent la crypto et que l’IA redessine les règlements transfrontaliers, le système fait face à son premier véritable test structurel depuis des décennies. Ce changement pourrait redéfinir la manière dont la liquidité mondiale et la confiance sont évaluées. Les données COFER du FMI placent en effet la part du dollar dans les réserves mondiales à 56,32 % début 2025. Il s’agit là de son niveau le plus bas depuis la naissance de l’euro. En parallèle, 94 % des autorités monétaires testent les monnaies numériques des banques centrales. Cela pointe vers une diversification et une digitalisation de la monnaie d’État.

L’arrivée de l’IA dans l’infrastructure financière accélère ce changement. La Banque des règlements internationaux avertit que le trading autonome et les algorithmes de liquidité pourraient amplifier le risque systémique. En même temps, de nouvelles infrastructures numériques promettent des transferts moins coûteux et plus rapides, tandisque les réseaux traditionnels construits sur le dollar s’érodent discrètement.

Indicateurs d’un changement permanent de la domination du dollar

BeInCrypto s’est entretenu avec Dr. Alicia García-Herrero, économiste en chef pour la région Asie-Pacifique chez Natixis et ancienne économiste du FMI. En s’appuyant sur deux décennies de recherche macroéconomique, elle explique comment les CBDC, l’IA et les stablecoins pourraient redessiner le pouvoir monétaire mondial. Elle décrit également quels indicateurs révéleront les premiers ce changement fondamental.

Le dollar ancre toujours les réserves, mais l’érosion a commencé. Ainsi, les données COFER indiquent une baisse constante depuis 2000. La question qui se pose n’est donc plus si des alternatives émergeront, mais quand le changement deviendra mesurable ; il s’agit là d’un calendrier que les investisseurs peuvent désormais suivre en temps réel.

Source : IMF COFER, T2 2025
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« De mes jours au FMI à analyser les données COFER, nous avons suivi la part du dollar dans les réserves mondiales de devises — maintenant à 56,32 % au T2 2025 — parallèlement aux gains du RMB et de l’EUR, ainsi qu’aux pilotes de CBDC où 94 % des banques centrales sont engagées. La volatilité de la crypto pourrait amplifier les risques induits par l’IA, comme le prévient la BRI. Cependant, les CBDC offrent des changements contrôlés. Je m’attendrais à une érosion mesurable si le dollar tombe en dessous de 55 % d’ici 2027, avec des règlements annuels de CBDC à plus de 1 milliard de dollars qui signaleraient une permanence. Les stablecoins soutiennent la stabilité du dollar sans fluctuations sauvages. »

Son seuil — une chute en dessous de 55 % d’ici 2027, plus des flux de CBDC de plusieurs milliards de dollars — marquerait un tournant pour les structures de réserve. Cela montre quand la diversification cesse d’être une théorie et devient une politique.

Part de marché des stablecoins et risques émergents des blocs

Les stablecoins restent une extension de la liquidité en dollars. Environ 99 % de la circulation est indexée sur le dollar, avec une domination nette de l’USDT et l’USDC. Les jetons non indexés sur le dollar ou adossés à des matières premières pourraient déclencher une concurrence basée sur des blocs — un signe clair que la liquidité pourrait se fragmenter selon des lignes politiques.

Source : Messari

« Les stablecoins liés au dollar comme USDT et USDC dominent plus de 99 % du marché de 300 milliards de dollars en octobre 2025. Un stablecoin adossé au yuan atteignant une part de 10 à 15 % pourrait enflammer les tensions entre blocs. Le conflit n’émerge que s’il dépasse 20 %, fracturant la liquidité mondiale. »

García-Herrero soutient qu’un stablecoin rival doit capturer plus de 20 % des règlements mondiaux pour déclencher une véritable fragmentation des blocs. Cela marque le point où les monnaies numériques commencent à redessiner la géopolitique, et pas seulement les paiements.

Les règlements on-chain dépassent désormais 35 000 milliards de dollars par an — soit le double du débit de Visa. Alex Treece, PDG de Stablecore, le qualifie de « réseau Eurodollar moderne » répondant à la demande mondiale de dollars au-delà des banques. Cela nous indique que les infrastructures numériques renforcent davantage la portée du dollar.

Les données du FMI montrent que ces jetons gèrent déjà environ 8 % des flux à l’échelle du PIB en Amérique latine et en Afrique. Cela prouve donc que les stablecoins agissent désormais comme des instruments de politique informels.

« Les stablecoins satisfont la demande existante de dollars. C’est une dynamique de marché, non étatique. À court terme, ils renforcent la domination. À long terme, cela dépend de la politique américaine et de la confiance. »

Treece compare ce système de dollars numériques au marché Eurodollar des années 1960, lorsque les investisseurs offshore accédaient à la liquidité américaine par le biais de réseaux parallèles. L’innovation privée a étendu la portée du dollar au lieu de le remplacer.

Les stablecoins dans les économies à forte inflation

Dans les économies touchées par l’inflation comme l’Argentine et la Turquie, les stablecoins servent de rails informels pour le dollar. Ils agissent comme une couverture numérique contre l’effondrement monétaire et offrent une bouée de sauvetage financière parallèle, montrant le rôle réel de la crypto dans le monde.

« En Argentine, les stablecoins protègent 5 millions d’utilisateurs et représentent plus de 60 % des transactions crypto. Ils deviennent déstabilisants à 20-25 % des paiements de détail ou 15 % du chiffre d’affaires en devises. En Turquie, une adoption similaire la classe parmi les plus élevées au monde. Dans l’ensemble, leur rôle stabilisateur l’emporte sur les risques aux niveaux actuels. »

Sa règle empirique : une utilisation modérée stabilise. Mais lorsque les stablecoins dépassent un quart des paiements, ils menacent la souveraineté monétaire. Il s’agit là du point où le soulagement se transforme en risque.

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Tokenisation et dette souveraine

La tokenisation est devenue un thème central en finance, bien que l’adoption par les États souverains soit à la traîne. Tandis que les pilotes de la BRI avancent lentement, les entreprises privées progressent plus rapidement. Franklin Templeton prévoit une adoption précoce dans les bons du Trésor et les ETF à Hong Kong, au Japon et à Singapour. Ces pilotes nous indiquent où la réglementation et l’innovation se rencontrent déjà.

« Les institutions veulent des véhicules qui gèrent la volatilité et améliorent la liquidité. Cela commence avec les particuliers, mais les flux institutionnels suivent une fois que les marchés secondaires mûrissent. » — Max Gokhman, Franklin Templeton

Les données de CoinGecko montrent que les bons du Trésor tokenisés dépassent 5,5 milliards de dollars et les stablecoins plus de 220 milliards de dollars. Le concept passe du pilote à la pratique alors que les actifs traditionnels migrent discrètement on-chain.

« Les projections de tokenisation des actifs réels atteignant des milliers de milliards d’ici 2030 semblent ambitieuses, mais les obligations tokenisées ont déjà atteint 8 milliards de dollars à la mi-2025. Je prévois que 5 % des nouvelles émissions souveraines seront tokenisées d’ici 2028, menées par l’Asie et l’Europe, tandis que la résilience du dollar persistera. »

Sa prévision, soit que 5 % des émissions souveraines tokenisées d’ici 2028, signale une réforme progressive menée par l’Asie et l’Europe. Cela permet de complèter plutôt que remplacer le système du dollar. La finance numérique évolue souvent par le biais de la conformité, et non de la rébellion.

Les initiatives publiques et privées convergent. García-Herrero s’attend à une adoption menée par les régulateurs, tandis que Franklin Templeton parie sur l’attraction du marché. Quoi qu’il en soit, les actifs traditionnels migrent vers les rails de la blockchain — une obligation et un fonds à la fois.

L’e-CNY de la Chine et la crypto dirigée par l’État

L’e-CNY de la Chine continue de s’étendre sous un contrôle central strict. À la mi-2025, il avait traité 7 000 milliards de yuans en transactions. Cela montre la capacité de Pékin à numériser la monnaie sans crypto privée et comment les écosystèmes centralisés peuvent se développer rapidement.

Study Times, le journal de l’École centrale du Parti, présente les cryptos et les CBDC comme des outils de « mobilisation financière ». Le yuan numérique de Pékin et les réseaux blockchain servent d’actifs stratégiques pour le contrôle de la liquidité et la résilience face aux sanctions. Il s’agit en quelque sorte d’un « front logistique numérique » fusionnant finance et sécurité.

« L’e-CNY de la Chine illustre une finance numérique disciplinée. Il a traité 7 000 milliards de RMB en juin 2025. Un modèle entièrement dirigé par l’État émerge lorsque l’investissement privé dans la blockchain tombe en dessous de 10 % des flux de fintech. D’ici fin 2026, nous verrons une domination claire. »

Elle définit la domination dirigée par l’État comme un investissement privé dans la blockchain inférieur à 10 % des flux de fintech. Ce niveau pourrait être atteint d’ici fin 2026, lorsque la souveraineté numérique deviendra mesurable, et non rhétorique.

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Commerce Russie-Chine et le “Bloc Web3 dirigé par l’État”

Face aux sanctions, la Russie et la Chine règlent désormais la plupart de leurs échanges en dehors du système du dollar. Leurs expériences avec les actifs numériques soulèvent la question de savoir quand la coordination se convertira en un bloc formel — un tournant qui pourrait redéfinir la géographie des règlements.

« La légalisation par la Russie en 2025 de la crypto pour le commerce extérieur, avec des flux non-USD/EUR désormais à plus de 90 % en yuan et en rouble, montre comment un ‘bloc Web3 dirigé par l’État’ pourrait émerger si 50 % du commerce passe aux actifs numériques. Les ponts CBDC pourraient atténuer les risques, et ironiquement, les stablecoins indexés sur le dollar pourraient stabiliser ces flux. »

Son seuil de 50 % définit le point de basculement pour une nouvelle sphère de compensation. Cela pourrait stabiliser le commerce sous sanctions tout en approfondissant la fragmentation mondiale.

L’Europe a déjà réagi. La récente interdiction de l’UE d’un stablecoin adossé au rouble, A7A5, a marqué sa première sanction crypto directe. Cela a montré comment les actifs numériques sont devenus à la fois une arme et une cible dans les conflits financiers.

Preuve d’identité et inclusion financière

Les systèmes de preuve d’identité comme le modèle biométrique de Worldcoin redéfinissent les débats sur l’identité et l’inclusion. Leur valeur économique reste à prouver, mais leur évolutivité pourrait influencer la rapidité avec laquelle les cadres de confiance à l’ère de l’IA évoluent.

« Les pilotes de preuve d’identité comme Worldcoin, avec 200 millions d’identités vérifiées à la mi-2025, pourraient réduire les coûts d’emprunt de 50 à 100 points de base ou augmenter l’accès au capital de 20 à 30 %. Si cet objectif est réalisé d’ici 2027, cela validerait la PoP au-delà du battage médiatique. »

Le débat reflète la course plus large à l’identité numérique. Adrian Ludwig de TFH voit les systèmes de preuve d’humanité comme une couche de confiance pour une ère d’IA. García-Herrero affirme que seul un impact mesurable prouvera leur valeur.

La domination de l’IA et de la crypto dans le commerce transfrontalier

La finance gérée par l’IA façonne désormais la liquidité, la conformité et le règlement. La BRI indique que les copilotes d’apprentissage automatique automatisent déjà les examens AML. Les smart contracts du projet Pine permettent aux banques centrales d’ajuster les garanties en temps réel, signalant l’essor de la conformité programmable.

La BRI présente cela comme un noyau financier programmable mais réglementé. Des perspectives spéculatives comme AI 2027 imaginent des systèmes d’IA dirigeant la liquidité, la R&D, les marchés et la politique de sécurité. La BRI appelle à une intégrité par conception avant que ces systèmes n’émergent pleinement.

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« L’avantage transfrontalier de l’IA va exploser, avec 75 % des paiements devenant instantanés d’ici 2027. La Chine semble prête à détenir plus de 30 % de part grâce à des bacs à sable soutenus par l’État et près de 100 milliards de dollars d’investissements. Les stablecoins pourraient compléter les agents IA, réduisant la volatilité. »

Des investissements approchant les 100 milliards de dollars d’ici 2027 favorisent ce modèle. Les stablecoins pourraient servir de couches tokenisées conformes, reliant la liquidité automatisée à la monnaie programmable — le prochain champ de bataille pour les régulateurs.

Réserves souveraines de Bitcoin et goulets d’étranglement

La part de Bitcoin dans les réserves souveraines reste modeste mais symbolique. Son lien avec les actifs à risque et sa dépendance à l’énergie et aux puces électroniques pourraient créer de nouveaux points d’étranglement géopolitiques. Les réserves numériques pourraient bientôt se lier aux chaînes d’approvisionnement physiques.

« Les réserves souveraines de Bitcoin restent inférieures à 1 % du total des devises étrangères. Atteindre 5 % d’ici 2030 déclencherait une volatile “course à l’or numérique”. L’approvisionnement en énergie et en semi-conducteurs pourrait subir des points d’étranglement, tandis que les stablecoins offrent une alternative de réserve plus stable. »

En parallèle, les entreprises de trésorerie d’actifs numériques (DAT) gèrent plus de 100 milliards de dollars en crypto, révélant comment des bilans fragiles peuvent refléter le risque souverain. Les trésoreries axées sur Bitcoin avec des tampons de liquidité stricts semblent les plus résilientes. Cela constitue un aperçu des défis que les nations pourraient rencontrer à mesure que l’adoption augmente.

Transparence de la crypto et avantage de gouvernance

Les blockchains publiques intègrent les registres gouvernementaux et les systèmes de passation de marchés. Pour les démocraties, les registres transparents offrent une responsabilité qui renforce directement la crédibilité fiscale.

« Les projets pilotes de passation de marchés sur blockchain renforcent la transparence dans les démocraties comme l’Estonie, les marchés d’adoption gouvernementale passant de 22,5 milliards de dollars en 2024 à près de 800 milliards de dollars d’ici 2030. Avec 15 à 20 % des dépenses nationales on-chain, les démocraties gagnent un avantage structurel. »

Son seuil de 15 à 20 % marque le point où l’adoption de la blockchain devient structurelle. Cela augmente les scores de transparence et donne aux sociétés ouvertes un avantage en matière de gouvernance.

Conclusion

Dans dix domaines — CBDC, IA, stablecoins, tokenisation et blockchain — le cadre de García-Herrero suggère donc une évolution plutôt qu’une révolution. La portée du dollar se diffuse, sans disparaître, alors que la monnaie numérique transforme le pouvoir monétaire en un système partagé et axé sur les données.

Son analyse ancre la spéculation dans des données mesurables : ratios de réserve, flux de règlement et seuils d’adoption. Le futur ordre monétaire dépendra moins de la perturbation que de la gouvernance — comment la transparence, la confiance et le contrôle s’alignent à l’ère numérique.

La morale de l’histoire : L’avenir est dans l’union.

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