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Quels sont les États qui disposent des plus grandes réserves secrètes de Bitcoin ?

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Mis à jour par
Célia Simon

06 septembre 2025 11:30 CET
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C’est le fantasme des traders: combien les États ont-ils investi dans le Bitcoin alors que partout semblent devoir s’établir des “réserves stratégiques” ? Si l’on enquête précisément sur la question, la réponse est plutôt surprenante et les circonstances dans lesquelles les autorités nationales des pays détenteurs de Bitcoin ont mis la main sur leurs valeurs n’a rien de stratégique. Du vol à la confiscation, c’est plutôt un concours d’opportunisme auquel se livrent nos dirigeants.

Pourquoi parler de « réserves secrètes » plutôt que de « réserves officielles » ?

Contrairement à l’or, très peu d’États publient un inventaire audité de leurs avoirs en Bitcoin. Dans les débats, on confond souvent :

  1. Des stocks saisis par la police ou la justice (transitoires, souvent voués à être restitués ou vendus) ;
  2. Des détentions assumées (politique d’investissement, vitrine industrielle ou monétaire) ;
  3. Des accumulations implicites (minage domestique capté/encadré par l’État, usage du BTC pour des règlements internationaux sous sanctions).

Notre approche sépare le documenté (jugements, communiqués, FOIA, annonces gouvernementales) du probable (analyses on-chain crédibles) et du spéculatif (rumeurs, extrapolations).

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États-Unis : n° 1 probable en détention publique à l’instant T… via les saisies

  • Cas emblématiques
    Silk Road / James Zhong : 50 676 BTC saisis et confisqués (SDNY).
    Bitfinex (2016) : ≈ 94 000 BTC récupérés ; procédures de restitution en cours.
  • Combien aujourd’hui ? Un FOIA (16 juillet 2025) indique que l’U.S. Marshals Service (USMS) détenait ≈environ 28 988 BTC. O est donc très loin des rumeurs à 100–200 k BTC.
  • Vers une « réserve stratégique » ? En 2025, plusieurs analyses signalent la mise en place d’une Strategic Bitcoin Reserve centralisant le bitcoin confisqué, avec un changement de doctrine vis-à-vis des ventes aux enchères ; mais le reporting consolidé inter-agences n’est pas public.

Lecture prudente : les États-Unis restent n° 1 probable en détention publique à un instant donné (via saisies fédérales), mais une part est revendue/restituée selon les décisions de justice ; on ne parle pas encore d’une « réserve souveraine » comparable à l’or en transparence.

Chine : le « pic historique » PlusToken (194 775 BTC)… puis des liquidations

  • Fait judiciaire majeur : fin 2020, le tribunal de Yancheng (Jiangsu) acte la confiscation d’environ 194 775 BTC (affaire PlusToken).
  • Où en est-on en 2024–2025 ? Plusieurs analyses on-chain et reportages pointent des cessions d’une grande partie de ce stock (flux vers bourses, dispositions locales), sans bilan centralisé. Le solde courant serait nettement inférieur au pic.

Lecture prudente : record historique documenté (≈ 194 k BTC) ≠ réserve actuelle. Les indices de ventes 2024–2025 suggèrent plutôt un trésor résiduel non public.

Royaume-Uni : > 61 000 BTC saisis (affaire Wen) – stock transitoire, pas réserve

La police métropolitaine a saisi plus de 61 000 BTC dans une affaire de blanchiment liée à une fraude chinoise, l’une des plus grosses prises au monde. Comme ailleurs, la loi conduit ensuite à la disposition ( vente/affectation/restitution), pas à une thésaurisation de long terme.

France : ventes judiciaires (611 BTC en 2021), pas de « Fort Knox » en BTC

Le 17 mars 2021, l’AGRASC a vendu aux enchères 611 BTC saisis (première française), pour environ 24–28 M€ selon cours/frais. Doctrine claire : réaliser les saisies, pas constituer une réserve.

Corée du Nord : volumes stupéfiants issus de cyber-vols, mais pas de « réserve officielle » publiée

La Corée du Nord n’affiche aucune réserve souveraine en BTC au sens budgétaire. En revanche, ses opérations de cyber-vol et de blanchiment en crypto atteignent des niveaux record, faisant d’elle le cas singulier de ce panorama.

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  • H1 2025 : l’année de tous les records
    Chainalysis recense 2,17 Mds $ volés à mi-2025, tirés principalement par l’attaque Bybit attribuée à la DPRK (environ 1,5 Md $, plus grand hack de l’histoire des crypto).
    TRM Labs confirme, avec haute confiance, le lien nord-coréen ; le FBI a publiquement pointé Lazarus/TraderTraitor.
    – Des synthèses évoquent 1,6 Md $ volés par la DPRK au premier semestre 2025 (≈ 70 % du total mondial).
  • Contexte 2024
    TRM Labs qu’environ 1,6 M $ volés par la DPRK en 2024 (attaques à confiance modérée ou plus), tandis que d’autres bilans médiatiques retiennent dans les 650 M $ (incidents majeurs WazirX, DMM Bitcoin, etc.).
  • Méthodes et circuits
    Phishing ciblé, social engineering, IT workers sous fausse identité, malware (TraderTraitor/AppleJeus), bascule vers mixers et DeFi pour le blanchiment ; la RUSI soulignait déjà en 2024 le rôle central des mixers et des « facilitateurs » tiers.
    – Des enquêtes ont mis en évidence l’usage d’intermédiaires régionaux (ex. Asie du Sud-Est) dans les schémas de transfert.

Ce que cela implique pour notre sujet :
– Il ne s’agit pas d’une « réserve d’État publiée », mais d’avoirs criminelsattribués à des entités liées à l’État et en mouvement permanent (conversion en stablecoins/fiat, ré-hacks, saisies partielles).
– Les stocks à l’instant T sont impossibles à auditer publiquement : ils dépendent des encaissements/décaissements, gels, saisies et pertes.

 – Certains agrégateurs non officiels publient des estimations de “BTC détenu par la DPRK” (ex. ~13 562 BTC à une date donnée), mais sans méthodologie vérifiable ; à manier avec extrême prudence.

En bref : la Corée du Nord ne déclare pas de réserve BTC, mais capte des volumes immenses via cyber-vols, particulièrement en 2024–2025, avec Lazarus au cœur des opérations, ce qui brouille la frontière entre détention publique, avoirs saisis et biens criminels.

Iran : accumulation implicite via le minage et l’usage « imports »

  • Minage : Elliptic estimait la part de hashrate iranien à ~4,5 % en 2021, soit des centaines de millions de dollars potentiels par an (aux prix de l’époque).
  • Commerce extérieur : dès août 2022, Téhéran annonce une première importation (~10 M $) réglée en crypto et encadre l’usage des crypto pour les paiements sous sanctions.

Lecture prudente : on parle de flux utilitaires (production → paiements d’imports) et de stocks transitoires, pas d’une réserve auditable.

Cuba : régulation des prestataires (VASP), aucune preuve d’un « trésor » public

La Banque centrale de Cuba a instauré dès 2021–2022 un cadre de licence VASP et d’encadrement des crypto. Aucun élément crédible n’indique l’existence d’une réserve d’État en BTC ; l’usage demeure surtout (remises, e-commerce).

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El Salvador : l’exception assumée avec un État acheteur et plus transparent

  • Politique d’achat : le président Nayib Bukele revendique depuis 2022 une stratégie DCA (« 1 BTC par jour »).
  • Transparence (2025) : le 29 août 2025, San Salvador annonce la segmentation des adresses (≤ 500 BTC chacune) et un tableau de bord public de ses avoirs ; un ordre de grandeur de ~682 M $ en BTC est donné à cette date (variable avec le cours).

Lecture prudente : seul État à revendiquer une accumulation en tant que telle, avec des efforts récents de vérifiabilité on-chain (à contrôler au fil des mises à jour).

Russie : pas de réserve BTC publiée, mais un usage systémique de la crypto pour le commerce extérieur

  • Cadre (2024–2025) : légalisation du minage (nov. 2024), régime expérimental autorisant des règlements transfrontaliers en crypto pour entreprises sélectionnées ; premiers paiements cross-border fin 2024.
  • Pratique déclarée : le chef de Rosfinmonitoring a expliqué à Poutine (juillet 2025) l’utilisation combinée netting/or/crypto pour contourner les canaux bancaires sous sanctions, et l’arrivée d’un système « Transparent Blockchain » pour renforcer la supervision.

Lecture prudente : la Russie utilise la crypto comme outil de règlement, mais n’affiche pas de réserve souveraine BTC.

Tableau récapitulatif (sept. 2025) — détentions, flux et « réserves »

Distinguons saisies/confiscations (temporaires), accumulation assumée, flux utilitaires (minage/règlements), et avoirs criminels attribués.

PaysNature principaleOrdres de grandeur / Faits saillantsStatut 2025
États-UnisSaisies/confiscationsSilk Road (50 676 BTC) ; Bitfinex (~94 000 BTC récupérés) ; USMS ~28 988 BTC (FOIA 16/07/2025)Détention élevée à l’instant T ; « réserve stratégique » évoquée, transparence consolidée limitée.
ChineConfiscation judiciaire (PlusToken)~194 775 BTC saisis (2020) ; indices de ventes 2024–2025Solde courant probablement bien < 194k ; aucun bilan centralisé publié.
Royaume-UniSaisie pénale> 61 000 BTC (affaire Wen)Stock transitoire ; vocation à la vente/restitution.
FranceVentes judiciairesVente 611 BTC (17/03/2021)Pas de réserve BTC.
Corée du NordAvoirs criminels attribués (hacks)2024 : ~800 M $ (TRM) / ~650 M $ (presse) ; H1 2025 : ~1,5–1,6 Md $ (Bybit) → recordPas de réserve publiée ; volumes massifs mais mouvants (blanchiment/gel/saisies).
IranFlux utilitaires (minage/imports)~4,5 % de hashrate (2021) ; 1er import ~10 M $ en crypto (08/2022)Stocks transitoires liés aux règlements ; pas de réserve auditée.
CubaRégulation VASPCadre BCC 2021–2022Aucune preuve de réserve publique.
El SalvadorAccumulation assuméePolitique « 1 BTC/jour » ; segmentation d’adresses + dashboard (29/08/2025) (~682 M $ à la date)Réserve assumée (modeste à l’échelle mondiale), effort de transparence croissant.
RussieCrypto pour règlements extérieursLois 2024–2025 (minage, cross-border) ; usage or/crypto confirmé par RosfinmonitoringUsage systémique, pas de réserve BTC officielle.

Classement réaliste (sept. 2025) — qui détient quoi, et comment ?

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  1. États-Unisn° 1 probable en détention publique instantanée (saisies fédérales massives), avec USMS ~28 988 BTC mi-2025.
  2. Chinen° 1 historique par le pic judiciaire (~194 775 BTC saisis en 2020), mais le solde actuel serait nettement inférieur après liquidations.
  3. Royaume-Uni> 61 k BTC saisis ; stock transitoire destiné à la disposition.
  4. El Salvadorseul État à revendiquer ouvertement une accumulation et à annoncer un dashboard public (29/08/2025).
  5. Francevend ses saisies (611 BTC en 2021).
  6. Russieinstitutionnalise l’usage (minage, cross-border), pas de réserve publique BTC.
  7. Iranutilise le BTC (minage, imports) avec stocks intermédiaires non publiés.
  8. Cubarégule les prestataires, pas d’indice d’un trésor public en BTC.
  9. Corée du Nordcapte des volumes immenses via hacks (Lazarus), mais il s’agit d’avoirs criminels attribués, non d’une réserve officielle ; les montants sont mouvants et difficiles à auditer.

Note : par cohérence méthodologique, nous classons la Corée du Nord à part : ses volumes sont probablement colossaux à certains instants, mais impossibles à comptabiliser comme « réserves souveraines » faute d’audit et du caractère criminel des flux.

Trois erreurs fréquentes… et comment les éviter

  1. Confondre un portefeuille judiciaire et une réserve souveraine : un encours sous contrôle de l’USMS (USA) ou d’une police (UK) est susceptible d’être vendu ou restitué, pas « stocké pour toujours ».
  2. Figer des pics historiques : 194 k BTC (Chine, 2020) n’implique pas 194 k BTC en 2025 ; des indices de liquidations existent.

Prendre une économie de l’ombre pour une réserve : la DPRK (Lazarus) ou la Russie/l’Iran utilisent la crypto pour contourner des canaux bancaires ; on parle de flux et d’avoirs criminels attribués, pas de réserves budgétaires auditées.

Et demain ?

  • États-Unis : si la Strategic Bitcoin Reserve publie un reporting consolidé, on aura enfin un chiffre souverain ; pour l’heure, la vision reste par agences.
  • El Salvador : la segmentation d’adresses et le dashboard annoncés devraient améliorer la vérifiabilité (suivi on-chain public).
  • Corée du Nord : la pression internationale va s’intensifier après Bybit (≈ 1,5 Md $). 2025 pourrait ainsi battre des records de crypto-vols si la tendance H1 se prolonge.
  • Russie/Iran : l’usage pragmatique de la crypto pour le commerce extérieur pourrait s’étendre, mais la traçabilité (outils gouvernementaux type « Transparent Blockchain ») va aussi s’accroître.

Verdict

  • N° 1 en détention publique (instant T) : États-Unis — par saisies massives ; USMS ~28 988 BTC mi-2025, « réserve stratégique » en gestation, transparence agrégée limitée.
  • N° 1 historique (pic) : Chine~194 775 BTC saisis (PlusToken, 2020), probablement bien moindre aujourd’hui.
  • N° 1 « réserve assumée » : El SalvadorÉtat acheteur (DCA) + pas vers la transparence (multi-adresses + dashboard).
  • Royaume-Uni/France : stocks transitoires (saisies) et ventes (FR : 611 BTC en 2021).
  • Russie & Iran : usage systémique de la crypto pour les règlements sous sanctions, mais pas de réserve BTC officielle publiée.
  • Corée du Nord : volumes criminels attribués immenses (Bybit ≈ 1,5 Md $ en 2025 H1) → pas de réserve souveraine auditable, mais un risque systémique majeur pour l’écosystème.

En clair, « réserves secrètes » recouvre surtout des stocks judiciaires (USA/UK), un pic historique largement écoulé (Chine), une accumulation assumée (El Salvador) et des usages opportunistes (Russie/Iran) ; la DPRK est un cas à part par l’ampleur de ses hacks, sans réserve officielle. La transparence (bilans consolidés, adresses publiques, audits) reste la clé pour parler, au sens strict, de réserves souveraines de Bitcoin.

La morale de l’histoire : La réserve stratégique, tout le monde en parle, personne ne l’a encore vue.

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