Alors que Donald Trump s’acharne à mettre fin à l’indépendance de la banque centrale américaine, une question cruciale revient dans les cercles économiques : que ferait-il de la politique monétaire américaine ? Et surtout, jusqu’où pourrait-il pousser la Réserve fédérale (Fed) à baisser ses taux d’intérêt ? La réponse est loin d’être purement théorique. Elle pourrait profondément bouleverser l’économie mondiale, les marchés financiers et notamment l’univers des cryptomonnaies.
Une hostilité de longue date envers la Fed
Le conflit entre Donald Trump et la Réserve fédérale ne date pas d’hier. Dès 2018, alors qu’il était président, Trump s’en prenait régulièrement à Jerome Powell, président de la Fed qu’il avait pourtant lui-même nommé. Il reprochait à l’institution d’entraver la croissance américaine par une politique de taux qu’il jugeait trop restrictive. Alors que l’économie était en expansion, la Fed tentait de normaliser sa politique après des années de taux bas post-crise 2008. Trump, lui, réclamait un retour rapide à des taux proches de zéro.
SponsoredCette attitude était inhabituelle, voire choquante pour beaucoup d’économistes. Depuis sa création en 1913, la Fed est censée rester indépendante du pouvoir politique. Mais Trump n’a jamais adhéré à cette doctrine. Pour lui, si les taux peuvent aider à soutenir l’économie – et donc son bilan politique – alors il faut les manipuler. Cette vision marque une rupture claire avec les présidents précédents, y compris républicains, qui ont toujours respecté une certaine distance vis-à-vis de la banque centrale.
Une stratégie pour reprendre le contrôle de la Fed
Depuis Janvier 2025, Trump tente d’aller bien plus loin que lors de son premier mandat. Lui et son entourage déploient un plan pour remodeler en profondeur la Réserve fédérale et faire pression sur ses dirigeants. Plusieurs pistes sont en cours d’exécution :
- Nommer des fidèles aux postes-clés du comité de politique monétaire (FOMC), qui fixe les taux directeurs.
- Ne pas renouveler Jerome Powell à la fin de son mandat, voire chercher à l’écarter plus tôt.
- Modifier la loi pour réduire l’indépendance de la Fed, en obligeant l’institution à mieux “coordonner” ses choix avec le pouvoir exécutif.
Cette stratégie, bien que controversée, s’inscrit dans une logique populiste : reprendre le contrôle des institutions “technocratiques” pour les mettre au service du “peuple”. Cela suppose toutefois de surmonter de nombreux obstacles juridiques et politiques. Mais Trump a montré par le passé qu’il n’avait pas peur de franchir les lignes rouges.
Quels taux viserait Trump ?
Sponsored SponsoredSi Trump obtient la main sur la Fed, son objectif serait clair : abaisser les taux de la Fed aussi rapidement et fortement que possible. On parle ici d’un retour vers les niveaux observés en 2020-2021, lorsque la pandémie avait forcé la Fed à ramener ses taux à zéro.
Aujourd’hui, les taux directeurs se situent entre 4,25 % et 4,50 %, un niveau historiquement élevé censé freiner l’inflation. Trump, en revanche, considère que ces taux brident l’économie inutilement. Il estime qu’une politique de crédit bon marché relancerait la croissance, soutiendrait le marché immobilier et rendrait le dollar plus compétitif à l’export.
En résumé, Trump vise un taux directeur autour de 0,5 à 1,0 %, quel que soit le niveau de l’inflation. Il se dirige donc vers une politique monétaire ultra-accommodante, même si cela va à l’encontre des règles traditionnelles de la Fed.
Les risques d’une telle orientation
Sponsored SponsoredUne baisse rapide des taux n’est pas sans conséquences. Si l’inflation reste élevée – comme c’est le cas depuis la sortie de la pandémie et la mise en place des taxes douanières – alors une politique de taux bas pourrait :
- Relancer une nouvelle bulle spéculative sur les marchés (actions, immobilier, actifs à risque).
- Faire baisser fortement le dollar, ce qui renchérit les importations et entretient l’inflation.
- Éroder la crédibilité de la Fed, si elle est perçue comme inféodée au pouvoir politique.
- Nourrir la défiance internationale envers la dette américaine, ce qui ferait grimper les taux longs indépendamment des décisions de la Fed.
Autrement dit, si Trump réussit à faire plier la Fed, il pourrait générer un soulagement temporaire sur les marchés… mais au prix d’une instabilité financière durable.
Une opportunité pour le marché des cryptomonnaies ?
Du côté des actifs numériques, cette perspective serait accueillie très différemment. Les cryptomonnaies comme le Bitcoin ou l’Ethereum sont historiquement sensibles à deux facteurs clés : la liquidité mondiale et la confiance dans les institutions monétaires.
Sponsored- Baisse des taux = envolée des cryptos ?
Une Fed ultra-accommodante injecterait de la liquidité dans le système, ce qui a toujours profité aux actifs spéculatifs. En 2020-2021, on a vu le Bitcoin passer de 10 000 à plus de 60 000 dollars dans un contexte de taux zéro. Un remake de ce scénario pourrait donc envoyer à nouveau les cryptomonnaies dans une phase haussière majeure. - Affaiblissement du dollar = renforcement du narratif pro-crypto
Si la Fed est perçue comme politisée et affaiblie, cela renforce le discours selon lequel le système monétaire classique est corrompu ou instable. Pour les partisans du Bitcoin, cela valide le besoin d’une monnaie “neutre”, décentralisée, résistante à la manipulation des États. - Réaction des régulateurs
Attention toutefois : une telle envolée du marché crypto pourrait aussi s’accompagner d’une réponse plus dure des régulateurs. Même sous Trump, la SEC (Commission des marchés financiers) ou le Trésor pourraient être tentés de renforcer les contrôles sur les plateformes et les stablecoins, surtout si la volatilité menace la stabilité financière.
Un pari risqué… pour tout le monde
En résumé, si Trump parvient à faire plier la Fed à ses objectifs politiques, les taux pourraient chuter brutalement. Cela ravirait sans doute Wall Street dans un premier temps, boosterait les cryptomonnaies, relancerait la croissance à court terme… mais au prix de tensions inflationnistes, d’une perte de crédibilité monétaire et d’un environnement économique de plus en plus instable.
Ce serait un tournant historique : pour la première fois depuis des décennies, la banque centrale américaine ne fonctionnerait plus comme un contre-pouvoir indépendant, mais comme un levier politique à court terme. Dans ce scénario, les marchés – et particulièrement les cryptos – ne devraient pas seulement se réjouir de la baisse des taux. Ils devront aussi s’adapter à un monde où la stabilité institutionnelle ne va plus de soi.
La morale de l’histoire: après le rush, gare à la descente.