BeInCrypto s’est entretenu avec l’artiste Amylee et le photographe Gilles, tous deux convertis aux NFT et soucieux d’éduquer leurs pairs français sur cette nouvelle technologie.
De nos jour, le boom des NFT atteint même les médias grand public, mais récolte encore souvent une réaction au mieux de confusion, au pire de moqueries de la part des non adeptes de la crypto qui se trouvent pour la première fois confronté à ce système et sa philosophie.
Amylee Paris et Gilles Thouvenin, respectivement artiste peintre et photographe, ont pour leur part choisi de tester l’approche et l’usage des tokens non fongibles pour diffuser leur art, jusqu’à se convertir pratiquement en ambassadeurs des NFT auprès de la communauté locale des artistes français. Ainsi, le couple fonctionne en quelque sorte comme un duo, Amylee se concentrant principalement sur la création artistique, tandis que Gilles gère la partie éducative et plus technique de la blockchain, combiné à son travail de photographe. En plus de leur travail artistique, le couple tient également un site de formation et de conseils aux artistes, sur lequel ils ont publié le livre Petit Guide des NFT pour l’artiste.
De son propre aveu, Amylee n’avait d’abord aucun lien avec le monde de la crypto ou des NFT, ayant été convaincue par un ami de se pencher sur ce domaine : “On a commencé [avec Gilles] à s’intéresser aux NFT il y a un peu plus d’un an grâce à un ami qui était déjà là-dedans depuis longtemps, qui nous en a parlé et nous a donné envie [de nous y intéresser]”.
L’artiste a noté à ce sujet que la casi-totalité de leur formation autodidacte s’est faite en anglais – à l’exception d’un webinaire en français organisé par Wallcrypt au sujet des NFT – ce qui a en partie contribué à leur projet ultérieur d’aider leurs confrères artistes à s’éduquer sur ces tokens dans leur propre langue maternelle : “on voulait d’abord se documenter, nous avons donc ingurgité beaucoup de séminaires, de formations, d’articles sur le sujet, quasiment toujours en anglais.”
De même, plus ou moins indirectement, cette ouverture au numérique et aux NFT a poussé Amylee, jusque-là peintre “traditionnelle” à l’acrylique, à se lancer dans l’art numérique .”La femme de l’ami qui m’a parlé des NFT, [Renate Vieillescaze] est motion designer […] et nous en sommes venues à nous rencontrer et nous dire que ce serait une bonne idée de créer une collection à deux à partir de mes tableaux, qui sont peints à l’acrylique, et à partir desquels elle a travaillé sur une animation. C’est donc un duo”, a expliqué l’artiste.
L’importance de la communauté au sein des NFT
Parmis les différences et éléments les plus encourageants de son immersion dans le monde numérique et des NFT, Amylee reconnaît l’aspect indéniablement communautaire et axé sur la collaboration de ce secteur, qu’elle qualifie elle-même de “dynamique”, et qui contraste généralement avec la vie d’artiste plus “classique”.
“Dans le traditionnel, les artistes sont un peu tous solitaires et pas trop solidaires. […], Là, on intègre différents groupes, que ce soit sur Discord ou Twitter, ou des forums. On se retrouve vraiment en club, et ça n’est pas quelque chose que j’avais l’habitude de faire dans le monde physique de l’art. Cela a été un premier retour positif pour moi”, a-t-elle expliqué.
L’élitisme français et le scepticisme à l’égard des NFT
Sur le versant opposé de cette communauté dynamique à laquelle Amylee et Gilles se sont joints, ils ont également pu noter le scepticisme de certains de leurs confrères artistes plus puristes, qui se sont avérés “surpris” voire réprobateurs de leur adoption des NFT, principalement en raison de la réputation parfois controversés de ce derniers, ou tout simplement du manque d’informations à leur égard : “comme ils n’y comprennent rien et qu’ils entendent dire ceci ou cela à droite et à gauche, il se permettent ensuite de former un jugement ; j’ai donc eu quelques discussions sur Twitter avec des artistes qui n’étaient pas du tout d’accord avec la façon actuelle de créer”.
Sur ce même sujet, Gilles Thouvenin a confirmé :
“C’est un peu, malheureusement, la culture française du ‘on ne connaît pas, donc on critique’. On parle d’inconnu avec le NFT, mais avec le NFT on parle donc aussi de cryptomonnaies ; les gens se demandent ce que c’est et se posent beaucoup de questions. C’est justement pour cela que le guide que nous avons rédigé part de cette optique d’expliquer le minimum basique pour que le gens comprennent. On n’a pas intégré le ‘boursicotage’ des cryptomonnaies, des swaps et tout cela. On est vraiment dans une approche artistique [du NFT].”
Gilles Thouvenin
C’est également ce manque de compréhension du monde des NFT et du numérique en général par les artistes traditionnels qui a incité le couple à rédiger un livre explicatif : “en général, l’artiste est plutôt dans son atelier à peindre et créer que sur Internet à assister à des webinaires sur les cryptomonnaies”, a expliqué Gilles.
Amylee a même noté un manque d’ouverture aux NFT de la part des galeries, beaucoup étant, d’après elle, encore en retrait par rapport à cette scène. “Je pense qu’elles attendent de voir ce qui va se passer”, explique Amylee, tandis que Gilles pense qu’il s’agit peut-être aussi d’une question de fiscalité et d’un manque de réglementation, ce qui rend la gestion de l’achat de NFT plus délicat à gérer pour les galeries d’art : “elles n’ont pas encore toutes les réponses, et c’est peut-être pour ça qu’elles n’en parlent pas”.
Cela dit, Gilles pense que les NFT ne sont pas incompatibles avec les galeries d’art, ou que l’un n’est pas tenu de remplacer l’autre : “je pense que l’artiste qui est déjà en galeries va faire des NFT pour avoir une sorte de deuxième source de revenu ou d’essayer de créer un cadre d’art numérique. […] à un moment donné, l’artiste aura forcément besoin de vendre ses toiles ou ses tableaux physiques, d’autant plus que la plupart des plateformes ne poussent pas à vendre les NFT avec la toile physique, pour les frais d’envois, qui ne sont pas pris en compte dans le prix de vente. Il y a aussi une question de propriété de droit par rapport à l’œuvre physique.”
À la question “qui achète des NFT ?”, Amylee a également été étonnée de constater qu’il s’agissait souvent d’autres artistes qui collectionnent eux-même les NFT : “Au début j’ai été très surprise, mais en fait c’est tout à fait normal. Quand les artistes aiment une œuvre et croient en un autre artiste, ils vont investir. C’est déjà là un premier type de collectionneurs. Le deuxième type de collectionneurs va être plutôt fait de gens qui s’intéressent à la crypto, mais ce ne sont pas forcément des personnes qui vont aller dans des galeries d’art physique. Cela me permet donc de toucher deux types de collectionneurs avec mes tableaux traditionnels physiques […], et puis, d’un autre côté, j’ai aussi des gens qui veulent se construire un portefeuille numérique avec une collection d’œuvres, pour les revendre plus tard ou bien faire une exposition avec […] et créer une galerie numérique dans tout ce qui est metaverse.”
C’est ce dernier point qui illustre également la capacité des NFT et de l’art numérique à rendre l’art plus accessible à un nouveau public, et même “plus ludique”, d’après Amylee :
“Je pense que [les NFT] ouvrent des possibilités pour les artistes qui cherchent à travailler avec d’autres outils. […] La collection que j’ai créée avec mon amie s’intitulait NFT : New Field of Thoughts, parce que c’est justement un nouveau champs de pensées qui nous permet d’être inspirés différemment.”
Amylee Paris
Une question d’état d’esprit
Au-delà de la connaissance des tokens non fongibles et de leur technologie sous-jacente, selon les deux artistes et créateurs, l’ouverture aux NFT part avant tout d’une question de mentalité : “je pense que si l’artiste est déjà entrepreneur avec son art physique, il va tenter les NFT. Les gens qui ne sont pas du tout dans cet esprit de vendre leurs œuvres physiques avec une galeries ou les collectionneurs n’iront pas forcément vers les NFT. C’est une question de passage à l’action, d’envie, de motivation et de connaissance”, a argumenté Gilles.
Amylee est du même avis, ajoutant que les artistes qui parlent et savent de NFT “sont déjà dans l’action, aiment entreprendre des choses nouvelles et ont plus cette esprit d’entrepreneurs, contrairement à ceux qui sont plus réfractaires et en retrait”.
“Il y a beaucoup d’idées reçues qui circulent”, ajoute l’artiste au sujet des sceptiques du NFT et des objectifs de portée de leur livre éducatif. “C’est toujours un peu la même idée qui revient au niveau de l’écologie ; les gens ne se focalisent que sur ça, et ils ne voient pas le reste. C’est pour cela qu’on a voulu créer un livre qui donnerait une vision à 360° [du sujet], et qui aiderait à faire de meilleurs choix.”
Plus que la critique, cela dit, le livre créé par le couple vise également à répondre à une foule de questions posées par leurs confrères sur l’usage des tokens non fongibles dans le cadre de l’art et, par extension, de la blockchain et des cryptomonnaies.
“Quand Amylee a commencé à en parler sur notre site, elle a reçu beaucoup de questions à ce sujet. Ce qui m’a vraiment poussé à le faire, sont tous les gens qui m’ont demandé si je pouvais les former sur les NFT, pour les orienter d’une manière artistique.”
Gilles Thouvenin
Ainsi, malgré les obstacles technologiques, le manque de sources en français et le scepticisme local de certains puristes, la curiosité et le questionnement de nombreux artistes quant à ce secteur ne peut que témoigner d’un intérêt croissant, quoiqu’encore confus, pour cette nouvelle manière d’aborder et de diffuser l’art.
La patience et l’éducation avant tout
Enfin, selon Gilles Thouvenin, à la réponse de savoir ce dont les NFT auraient besoin pour se convertir en un outil pleinement adopté et accepté par la communauté artistique, il faudrait simplement “du temps” :
“Le langage technologique utilisé dans la cryptomonnaies est aussi une sacrée barrière d’entrée pour des artistes ou d’autres personnes. […] Pour développer les NFT, ce qu’il faut, c’est du temps, pour que cela rentre dans le commun de tous les jours ; qu’il s’agisse d’une action journalière. C’est ça l’idée ; du temps et de l’éducation avec les jeunes d’aujourd’hui qui sont dans ce nouvel état d’esprit”.
Gilles Thouvenin
Sur ce même point, Amylee, pense également que les grandes maisons de ventes telles que Sotheby’s ou Christie’s, au travers de leurs ventes de NFT, contribueront grandement à l’adoption de ces derniers, comparant notamment l’apparition de cette nouvelle technologie aux débuts du street art, d’abord qualifié de “vandalisme”, et qui a maintenant parfaitement trouvé sa place dans les galeries d’art. L’artiste a de plus cité Banksy, dont le travail commence d’ailleurs à s’intégrer au monde des NFT, et a commenté au sujet du succès époustouflant de Beeple qu’il s’agit d’une histoire “inspirante” et “rafraîchissante”, notamment concernant un artiste autodidacte qui n’a pas de formation en école d’art, dénonçant au passage l’attitude élitiste du milieu artistique français.
Les deux artistes ont maintenant l’intention de continuer à la fois sur leurs projets de création numérique comme d’éducation aux NFT, ainsi qu’à toutes les technologies novatrices pouvant bénéficier au monde de l’art. Tandis qu’elle travaille sur une nouvelle collection, le travail déjà publié d’Amylee, et animé par Renate, est disponible sur l’agrégateur Showtime.
Le site de formation géré en duo avec Gilles Thouvenin, L’Atelier Conseil pour Artistes, propose différents guides, formations et articles de tutoriaux. Le photographe travaille également sur un projet photographique, qu’il espère là aussi combiner à l’animation numérique pour sa version en NFT. Amylee et Gilles animent également l’émission mensuelle “NFT Premiers Pas” sur Twitter.
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