Alors que l’euro flirte avec les 1,17 $ face au dollar, atteignant un sommet inédit depuis 2021, une autre bataille monétaire se joue loin des marchés traditionnels : celle des stablecoins. Dans cet univers largement dominé par le dollar, l’EURC et ses pairs européens pourraient-ils changer la donne ? La montée en puissance des actifs numériques adossés à l’euro relance sérieusement la question.
Les stablecoins adossés à l’euro explosent en 2025
L’année 2025 marque une rupture de tendance pour les stablecoins adossés à l’euro, avec une capitalisation globale en approche des 500 millions de dollars, en hausse de plus de 30 % depuis janvier. Derrière cette croissance, l’EURC de Circle tire la dynamique à lui seul, avec une offre en circulation ayant plus que doublé en six mois. Son intégration rapide sur Ethereum, Solana et Base a permis de capter à la fois l’activité des utilisateurs crypto natifs et celle d’institutions cherchant une alternative réglementée au dollar tokenisé.
Sur le plan on-chain, la traction est visible. Le volume de transfert mensuel d’EURC dépasse désormais 2,5 milliards de dollars, tandis que le nombre de portefeuilles actifs progresse à un rythme soutenu (+66 % depuis janvier). L’EURC est aujourd’hui intégré dans les principaux protocoles de la DeFi : utilisé comme collatéral dans Aave, échangé sur Uniswap et Curve, et déjà inclus dans des produits structurés euro-dénominés. La progression du token ne se fait pas par effet d’annonce, mais bien par usage réel et mesurable.
La montée de l’EURC ne s’explique pas uniquement par sa conformité MiCA. Elle s’inscrit aussi dans un contexte macro favorable à l’euro. La devise européenne s’apprécie nettement contre le dollar (+12,88 % depuis le début de l’année), alors que la Fed reste prudente sur ses taux directeurs. Cette divergence monétaire alimente un repositionnement stratégique des investisseurs vers l’euro, y compris dans l’écosystème crypto. Résultat : on assiste à une migration partielle de la liquidité vers des actifs euro-natifs, jusque-là marginaux.
Un pivot structurel ? Pas encore
Malgré la dynamique haussière de l’EURC et des tokens comme EURS ou EURT, la domination du dollar dans l’univers des stablecoins reste écrasante. À l’heure actuelle, plus de 90 % de la capitalisation du marché mondial des stablecoins reste adossée au billet vert, avec une avance quasi insurmontable en termes de profondeur de marché, de liquidité et de confiance. USDT et USDC cumulent à eux seuls plus de 230 milliards de dollars, contre 500 millions à peine pour l’ensemble des stablecoins en euros.
Le cœur de la liquidité mondiale crypto reste adossé au dollar. Les pools de liquidité, les volumes de trading et les arbitrages inter-chaînes sont largement dominés par l’USDT et l’USDC. Même en zone euro, les plateformes DeFi continuent de privilégier les paires libellées en dollars, faute de profondeur suffisante côté EURC. Le poids historique du dollar dans les échanges globaux se traduit mécaniquement dans les mécanismes de pricing et de collateralisation on-chain.
Certes, le cadre MiCA crée un terrain favorable pour les stablecoins euro-référencé solide, mais la question n’est pas seulement réglementaire. Elle est aussi d’ordre comportemental et structurel. Tant que les acteurs DeFi chercheront avant tout la liquidité, la vitesse d’exécution et les intégrations multi-chaînes déjà rodées, les stablecoins adossés à l’euro resteront secondaires. L’EURC est en train de poser les fondations d’une alternative crédible, mais pour supplanter le dollar, il faudra un changement profond de paradigme; pas seulement un rallye favorable.
Morale de l’histoire : Le dollar règne, mais l’euro prépare un coup d’État… version blockchain.
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