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“Le rôle de la France est de ne pas stopper la croissance mais de tout faire pour attirer les talents” : Entretien avec Massimo Moretti, fondateur de SIGNVM

9 mins
Mis à jour par Célia Simon
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EN BREF

  • Massimo Moretti est fondateur et PDG de SIGNVM, une entreprise française d'accompagnement des startups crypto et blockchain.
  • L'entrepreneur nous parle du travail de son entreprise, mais également de ses perceptions en terme de réglementation et du secteur crypto français en général.
  • Selon lui, la France doit tout faire pour encourager un écosystème attractif et dynamique afin d'éviter la fuite des talents hors du pays.
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BeInCrypto France a eu l’occasion de s’entretenir avec Massimo Moretti, fondateur et PDG de SIGNVM, une entreprise d’accompagnement et conseils aux startups crypto et blockchain. Au cours de cette interview, l’entrepreneur nous a parlé de la mission de son entreprise ainsi que de sa vision du paysage crypto en France, des défis à relever et du rôle de la réglementation locale.

D’origine Franco-Italienne, Massimo Moretti a fondé SIGNVM (à prononcer “Signum”) avec pour objectif de soutenir les entreprises crypto et blockchain les plus prometteuses du secteur, non seulement internationales mais également avec un accent particulier mis sur les startups françaises. Naturellement, le thème du paysage crypto et blockchain en France ainsi que les réglementations présentes comme à venir à l’échelle nationale et européenne se sont invités dans la conversation.

Sur le travail de SIGNVM

Massimo Moretti (MM) : J’ai commencé à investir dans la crypto à titre personnel il y a environ 7 ans, et j’ai donc acheté notamment mes premiers Bitcoin et Ethereum, mais je n’étais pas encore à fond dans la crypto. J’ai vraiment mis les pieds dedans quand j’ai rejoint Lunu, qui est l’une des premières plateformes à accepter des paiements de cryptomonnaies online et offline. En cherchant des agences pour les accompagner, sur le business, la stratégie ou encore le marketing, [j’ai réalisé] qu’il n’y avait personne en France et très peu d’agences en Europe, la plupart étant aux États-Unis. C’est un peu comme cela que m’est venue l’idée de créer SIGNVM, qui se positionne comme le premier “cutting edge blockchain powerhouse accelerator and venture studio“.

L’entreprise compte trois piliers : le premier pilier, la “powerhouse”, constitue toute l’approche de conseils pour aider les startups à organiser des stratégies de marché, car beaucoup ont besoin d’un marketing adapté à leur audience. […] Nous accompagnons également les boîtes dans le listing de leur token sur les exchanges et dans les questions de régulations, et nous sommes en partenariat avec des cabinets d’avocats en France […].

Le deuxième pilier, l’accélérateur, vise à accompagner les startups à booster leur business, en les connectant et en les aidant à trouver des talents au sein de la sphère blockchain.

Le troisième pilier, qui est un peu différent des deux autres, est la partie “venture studio”.[…] En fait, on s’est rendus comptes qu’il n’y avait pas vraiment de fonds de cryptomonnaies ou blockchain français. L’ambition de SIGNVM Group est de devenir la première agence de conseils et de marketing en France et avec une dimension internationale, mais aussi d’accompagner l’écosystème français en tant que SGNVM Venture, afin de soutenir les plus beaux et les plus ambitieux projets. En effet, à chaque fois, il s’agit de fonds étrangers qui investissent, et la France n’en bénéficie pas. Il faut quand même que l’on se positionne et qu’on ait un pied dans le futur Sorare ou le futur Ledger.

BeInCrypto (BIC) : Sur son site, SIGNVM se déclare assez rigoureux en terme de sélection des projets à soutenir. Est-ce que vous avez des critères particuliers à ce niveau ?

MM : En effet, nous souhaitons nous focaliser sur les projets les plus ambitieux, mais cela ne veut pas dire qu’on ne regarde pas tout ce qui se passe [dans le milieu]. Aujourd’hui, de nouvelles startups apparaissent tous les jours et il est impossible de toutes les accompagner. Pour répondre à la question, je pense qu’il est important pour nous d’avoir une affinité avec l’équipe et pouvoir comprendre le potentiel du projet, par exemple avec la technologie utilisée et quelle blockchain. […] Il y aura une partie très analytique sur le projet que nous allons choisir, ainsi qu’une partie business. Aussi, si on choisit d’investir dans les joueurs les plus ambitieux, c’est aussi parce que derrière, nous avons l’intention d’investir dans ces projets. Au-delà de l’agence de conseil, cela nous permet de mettre un pied avec eux, et si on sent qu’il y a quelque chose de vraiment intéressant dans un projet, alors on investira dedans. Il s’agit vraiment d’une approche holistique, car il s’agit de grandir avec la startup et pas juste de vendre du conseil.

BIC : Cela va donc dans cette optique de contribuer à stimuler l’écosystème français et à faire partie du secteur, comme une sorte de réseau.

MM : C’est ça. Aujourd’hui, on utilise un peu le terme “écosystème” à tort et à travers, mais il faut bien en comprendre la définition. La France est la 6ème puissance mondiale, et quand nous observons les levées de fonds aux USA et en Asie qui se comptent non pas en dizaines mais en centaines de millions, et que ce ne sont même pas des français ni des européens qui ont investi dans Sorare, on se demande si on ne passe pas à côté de quelque chose. […] Il faut en tout cas que la France soit représentée dans ces projets français et européens.

BIC : L’entreprise SIGNVM a-t-elle également incorporé des éléments propre à la blockchain, la crypto ou la décentralisation dans sa manière de travailler avec les startups ?

MM : Oui, dans le sens ou alors que la plupart des sociétés de conseils françaises sont payées en euros, nous offrons la possibilité à des projets très jeunes de pouvoir nous rémunérer en tokens et non pas en euros. C’est une manière de dire à la startup :”on comprend que vous débutez dans le projet, on y croit et on est donc ok pour être payés en tokens.” Parfois c’est 100% token, parfois il y a une partie en euros, mais disons que de manière générale, on essaie toujours de montrer que nous sommes intéressés, en mettant un pied dedans avec eux. C’est une manière d’encourager le projet. Si ça marche, nous avons tout à y gagner car le token va prendre de la valeur et si ça ne marche pas, et bien on se sera trompés [rires]. Après, il y a plusieurs critères, tout dépend de la maturité du projet […]. Et nous acceptons aussi les paiements en autres cryptomonnaies.

Sur la réglementation et l’état général de l’écosystème crypto français

BIC : Avez-vous votre propre idée sur la raison pour laquelle la France semble peut-être un peu en retard dans ce secteur par rapport à d’autres ?

MM : À vrai dire, la France n’est pas en retard, elle est même en avance pour la simple et bonne raison que le PSAN est la licence qui régit tous les acteurs français de manière générale et également les acteurs internationaux. À ce jour, cela dit, il y a 29 entreprises, peut-être 30 maintenant, et pour la plupart franco-françaises, qui sont régulées. Cela veut dire qu’en France, nous avons été incapables de faciliter la tâche aux plateformes internationales que sont Binance, Coinbase, Kraken, Crypto.com, etc… Aujourd’hui, donc, la plupart de ces joueurs internationaux sont en train de contourner de manière plus ou moins intelligente la question de la régulation en France. Il y a actuellement le projet PSAN, effectivement, mais également le projet MICA, qui est l’équivalent du PSAN au niveau européen.

Encore une fois, le challenge pour la France et l’Europe de manière générale serait de ne pas freiner la croissance des entreprises françaises/européennes, et de les mettre dans les meilleures conditions pour qu’elles innovent et aillent plus vite que les entreprises américaines ou asiatiques, si nous voulons nous positionner et avoir l’écosystème le plus fertile, et éviter ce qu’on appelle la “fuite des cerveaux” ou des pépites, pour que ces derniers n’aillent pas en Suisse, à Malte, aux Îles Caïmans, à Gibraltar ou encore au Panama. Le rôle de la France est donc véritablement de ne pas stopper la croissance mais au contraire, de faire tout pour [les] attirer. Pourquoi [ces talents] ne sont pas à Paris ou à Antibes ? Sur ce point, effectivement, la France a été en retard, mais nous n’avons pas été en retard sur le côté réglementaire. Au contraire, pour ça, on est très forts [rires].

BIC : Est-ce que vous considériez donc que bien que le PSAN soit en un sens novateur, il contribue plus pour le moment à freiner et décourager les entreprises ?

MM : Il y a bien sûr un bénéfice au PSAN, car cela permet d’apporter plus de transparence. Il y a évidemment des bénéfices à réguler les acteurs internationaux, je ne suis pas du tout contre le PSAN, au contraire, je pense qu’il est nécessaire pour défendre le consommateur final. Il va nous permettre de faire une analyse et d’identifier les entreprises qui sont les plus sérieuses, car il y a quand même pas mal de scams, comme pendant les ICO, et le token SQUID GAME qui était une pure arnaque. On n’a pas mals d’arnaques dans cet écosystème, même si ça n’est pas représentatif du tout [du secteur], il faut tout de même le prendre en considération. Le PSAN est nécessaire d’une manière, et de l’autre, il ne faut pas qu’il soit une barrière pour accélérer l’innovation, l’agilité et la créativité. C’est très important que nous restions un écosystème attractif, même au niveau international et pas seulement au niveau français.

BIC : Pourrait-on parler d’un manque de cohésion en terme de réglementation entre les différentes nations ?

MM : C’est ça. Aujourd’hui, un exchange international, par exemple, doit s’adapter à chaque réglementation locale. Le MICA, qui est donc l’équivalent du PSAN à échelle européenne, n’est pas du tout en place et ne vera sans doutes pas le jour avant 2023 ou 2024. Dans un écosystème aussi vif, agile, dynamique […] et compétitif, les exchanges n’ont pas trois ans à perdre. C’est inimaginable. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la plupart des exchanges internationaux communiquent de manière plus ou moins légale et visent les écosystèmes nationaux, français, italien, ect… parce que le processus est complexe et très long.

BIC : En dehors de la réglementation, y aurait-il quelque chose d’autre qui manquerait au secteur français pour pouvoir s’épanouir ?

MM : Je pense qu’il y a plusieurs facteurs au succès d’une startup en général. D’abord, je pense qu’on a un atout très intéressant en France, ce que j’appelle la “creative economy“. La France est un pays très artistique avec de très grands artistes, donc je pense que l’économie créative est tout à fait en place et il faut maintenant l’activer et solliciter des artistes. On voit d’ailleurs que plein de marques de luxe font des choses très intéressantes avec le système NFT, comme Guerlain, Dom Pérignon et d’autres. C’est la première chose, et pour le coup, ça ne nous manque pas.

Ensuite, pour réponse à la question, je pense que c’est tout ce qui a trait aux développeurs blockchain. Il y a d’ailleurs des écoles qui aident certains développeurs à se réorienter. On a donc une super école de la blockchain en France, mais on est quand même en pénurie de développeurs qualifiés sur la capacité de développer des blockchains et de contribuer au développement de l’écosystème français. On a aussi Tezos, qui s’efforce d’avoir une communauté intéressante à la fois française et internationale, mais je pense que ça va être l’une des lacunes de ces prochaines années ; la partie “IT” et développeurs de software.

Sur ce même sujet, je pense également qu’il y a pas assez de femmes dans l’écosystème, en France mais pas seulement. Chez SIGNVM, on va au moins essayer – même si je dis ça avec un peu d’embarras car nous n’avons pas assez de femmes [dans l’entreprise] actuellement – d’avoir une parité hommes-femmes dans la boîte. Ce n’est pas évident, car il y a actuellement assez peu de femmes dans l’écosystème, mais on a envie de les encourager à nous rejoindre car c’est aussi un monde qui est tout à fait ouvert aux femmes, que ce soit en termes de marketing, de presse, ou même en termes de développeuses de software. Je pense qu’aujourd’hui, les chiffres sont dramatiques et c’est aussi notre rôle en tant que boîte de cet écosystème de recruter des femmes, leur donner des chances équivalentes […] et montrer qu’elles y ont aussi leur place. On va donc essayer d’avoir cet engagement.

Sur les NFT et le métavers

MM : Aujourd’hui, nous avons beaucoup de créatifs, et la beauté du NFT et de cette nouvelle économie créative […] est que n’importe quel artiste, grâce à cette approche décentralisée, peut mettre son travail en ligne notamment sur OpenSea à n’importe quel moment et à un niveau international, ce qui est une vrai révolution. C’est quand même assez intéressant, et ce n’était avant pas possible pour les artistes de monnayer leur créativité en une fraction de minute. C’est quelque chose de très positif. C’est quelque chose d’incroyable apporté par Internet et la décentralisation en général.

BIC : Y a-t-il une certaine tendance générale dans les projets que vous accompagnez : plutôt crypto, NFT ou autre ?

Actuellement, nous accompagnons un projet qui a un pied dans la blockchain, un pied dans les crypto et un pied dans le métavers, avec des achats de terrains virtuels et des créations en 3D. Il y a une tendance pour tout ce qui est métavers, et qui est en lien avec l’univers de la blockchain.

Pour revenir sur ce terme de décentralisation, on est en train de vivre quelque chose d’assez incroyable où des individus achètent des territoires digitaux, un peu à l’instar de ce qui était Second Life ; aujourd’hui, on revit ça avec la décentralisation, notamment avec les cryptomonnaies, les transactions se faisant en monnaies virtuelles. On est en train de créer à partir de zéro un nouveau monde, le métavers, et il y a de plus en plus de projets qui ont un pied dans cet écosystème. C’est le Web 3.0 de manière générale, mais il y a effectivement de plus en plus de liens entre le métavers, la cryptomonnaie, la blockchain et évidemment la tokénomique, ou l’économie du token. C’est une vraie révolution, car cela permet de créer un nouveau type de financement qui est très compris des jeunes générations.

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Célia Simon
Célia a poursuivi des études de langues ainsi que de traduction générale et juridique à l'Université de Bordeaux, l'Université de Tours et la Organización Mexicana de Traductores à Guadalajara au Mexique. Après avoir découvert le potentiel des cryptomonnaies en 2020, elle travaille actuellement en tant que rédactrice en chef pour BeInCrypto France. Membre de la Organización Mexicana de Traductores et traductrice assermentée de l'État de Jalisco. Ses zones d'expertise : - Les...
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