Il y a des milliardaires qui parlent d’IA, d’espace et de rendements. Et puis il y a Peter Thiel, qui ajoute à ce trio un lexique théologico-apocalyptique: Antéchrist, Armageddon, fin des temps.
Depuis un an, le cofondateur de PayPal et patron de Founders Fund consacre des conférences et des entretiens à ces thèmes, en les reliant aux peurs contemporaines (climat, IA, bioterrorisme) et au risque d’un « État mondial » étouffant l’innovation.
Des médias sérieux ont suivi ce virage métaphysique : Wall Street Journal, Hoover Institution, San Francisco Chronicle. Certains articles et podcasts vont plus loin : ils notent que Thiel suggère que l’Antéchrist, dans l’imaginaire d’aujourd’hui, pourrait prendre les traits d’une figure “humanitaire et régulatrice”—et plusieurs commentateurs citent nommément Greta Thunberg comme l’archétype qu’il évoque.
SponsoredDes séminaires sur l’Antéchrist (et une thèse “techno-eschatologique”)
Dans un cycle de quatre conférences à San Francisco à la rentrée 2025, Thiel a développé une idée déjà esquissée ailleurs : l’Antéchrist n’aurait rien du tyran caricatural; il apparaîtrait comme un sauveur raisonnable, prônant la régulation “pour notre bien”, jusqu’à glisser vers un contrôle total qui stérilise le progrès.
Le WSJ résume cette grille : figure charismatique, promesse de protection face aux risques existentiels, puis verrouillage autoritaire. Le SF Standard rapporte qu’il a explicitement suggéré qu’« l’Antéchrist pourrait ressembler à Greta Thunberg », précisément parce que l’angoisse climatique offre un répertoire rhétorique apte à justifier l’arrêt de l’innovation au nom du salut. Qu’on partage ou non cette lecture, on est face à une eschatologie appliquée au débat public—et qui a suscité… des manifestations à l’entrée de ses conférences.
À noter : plusieurs articles d’opinion (The Nation, d’autres tribunes) affirment que Thiel désigne Greta Thunberg comme l’Antéchrist. La formulation d’origine varie selon les supports; la version la mieux sourcée demeure la suggestion rapportée par le SF Standard et des passages de podcasts. Prudence donc sur le verbatim exact.
Pourquoi l’appeler « le sponsor de l’Ethereum » ?
Parce qu’avant les prêches apocalyptiques, Thiel a lancé une bourse aux talents qui a changé la cryptosphère : en 2014, la Thiel Fellowship (100 000 $) a permis à Vitalik Buterin de se consacrer à plein temps à Ethereum, alors embryonnaire. Ce n’est pas un « investissement » au sens d’une part de capital (Ethereum n’est pas une société), mais un sponsoring décisif: temps, crédibilité, moyens—un vrai coup d’accélérateur.
Dix ans plus tard, Thiel ne se contente pas de souvenirs de mentor. Founders Fund a repris des expositions directes au marché crypto (notamment 200 M$ en bitcoin et ether en 2023) et Thiel ou ses entités ont pris des positions dans des véhicules cotés “à l’ETH” : ETHZilla, société cotée qui achète de l’ether pour sa trésorerie, a ainsi vu Thiel et affiliés monter à ~7,5 % du capital à l’été 2025. Autrement dit : le “parrainage” intellectuel d’hier s’accompagne aujourd’hui d’expositions financières—tant sur l’actif (ETH) que sur des proxies boursiers.
Thiel, l’Apocalypse et « Greta » : que dit vraiment sa thèse ?
Sponsored SponsoredEn fil directeur, Thiel martèle que la stagnation (et non l’emballement) est notre vrai péril. Dans ses échanges (podcast Interesting Times avec Ross Douthat, formats Hoover), il relit René Girard et les textes apocalyptiques pour soutenir que l’obsession des risques peut accoucher d’un “mauvais Singulier” : un ordre mondial unique qui administre la peur (climat, IA, armes) à coups de normes paralysantes. Cette figure, dit-il, ressemble davantage à un “saint laïc”—charismatique, incontestable—qu’à un despote de science-fiction. D’où la référence—controversée—à Greta Thunberg comme icône culturelle de la prudence absolue.
On peut contester l’analogie (l’écologie politique n’est pas un totalitarisme) ou la juger provocatrice. Elle sert en tout cas un programme politique pro-tech : ne pas freiner l’IA, la biotech, l’exploration—sous peine, selon Thiel, de livrer le futur à des contrôleurs “bien intentionnés” dont l’outil est la peur.
L’ampleur de son “pari Ethereum”
Sur le plan quantitatif, plusieurs éléments dessinent la taille du pari :
- Thiel Fellowship → Vitalik (2014) : 100 000 $ qui permettent à Ethereum d’émerger. Impact qualitatif majeur.
- Founders Fund (2023) : ~200 M$ remis sur BTC & ETH au creux du cycle—signal fort aux allocataires.
- ETHZilla (2025) : ~7,5 % pris par Thiel et affiliés, la société se dédiant à l’accumulation d’ETH en Bourse. Exposition indirecte mais massive et visibilisée.
À cela s’ajoutent des intérêts connexes (data centers, mining/infra, captures d’IA) qui complètent l’écosystème et bénéficient peu ou prou à la token-économie de l’ETH (frais, L2, tokenisation).
Pourquoi Greta ? La bataille du « récit du risque »
La querelle n’oppose pas vraiment “pro” et “anti” environnement. Elle porte sur qui raconte le risque—et dans quel but. Thiel soupçonne le récit climatique dominant, incarné médiatiquement par Greta, d’être devenu une “religion séculière” qui légitime une politique de freinage (le principe de précaution poussé au maximum). Dans cette fable, l’Antéchrist n’est pas « le Mal spectaculaire », mais la douceur coercitive qui dit : arrêtons de construire, de chercher, d’oser—par prudence. D’où, chez lui, l’alerte : méfions-nous du progressisme qui n’autorise plus le progrès.
Inversement, ses critiques y voient une caricature du mouvement climat : Greta n’appelle pas à l’État mondial totalitaire, mais à décarboner, innover propre, rendre des comptes. Pour eux, coller l’étiquette “Antéchrist” (fût-ce sous forme d’hypothèse) revient à délégitimer toute régulation—y compris les indispensables garde-fous sur l’IA, la finance, la vie privée.
Un “sponsor” très politique du web3
Qu’on adhère ou pas à sa théologie du progrès, le track-record de Thiel pèse sur le web3 : il a aidé Ethereum à naître, puis il a remis du capital (ETH, véhicules listés) aux moments où l’appétit institutionnel hésitait. Ce rôle d’accélérateur explique que certains le surnomment « le sponsor » d’Ethereum : non pas propriétaire, mais mécène originel et investisseur récurrent.
Sponsored SponsoredEt c’est précisément ce pedigree qui donne de l’écho à ses sermons apocalyptiques : quand un investisseur de cette taille dit que la peur et la régulation sont le véritable danger, le marché l’écoute—même lorsqu’il brandit le mot Antéchrist.
Comment lire Thiel sans tomber dans la polémique stérile
- Séparer l’argument du symbole. L’argument (attention au « contrôle au nom du risque ») mérite débat. Le symbole (associer Greta à l’Antéchrist) est inflammable et réducteur. Prenez au sérieux le premier, questionnez le second.
- Regarder ce qu’il finance. Au-delà des mots, Thiel finance : ETH, infra compute, minage, IA. Cette trajectoire d’allocation en dit souvent plus que ses aphorismes.
- Demander des citations sourcées. Les formulations varient d’« il a dit que » à « il a suggéré que ». La version étayée par des médias crédibles est la suggestion—pas l’assertion—d’une ressemblance possible.
En résumé
- Oui, Peter Thiel a bel et bien théâtralisé la conversation sur l’Antéchrist et l’Apocalypse dans une série de lectures et d’entretiens récents.
- Oui, son lien avec Ethereum est ancien (bourse à Vitalik) et actuel (exposition à ETH, véhicules listés), justifiant le sobriquet de “sponsor” au sens large.
- Oui, des sources fiables rapportent qu’il a suggéré que, dans son schéma, l’Antéchrist pourrait ressembler à Greta Thunberg—non parce qu’elle serait « le Mal », mais parce qu’elle incarne, à ses yeux, la vertu régulatrice qui arrête le progrès. C’est contesté, et c’est polémique.
Reste l’essentiel : derrière le théâtre des mots, Thiel pose une question politique : jusqu’où faut-il freiner au nom du risque ? Les réponses honnêtes exigent plus que des figures diaboliques—elles demandent des faits, des garde-fous, et des paris assumés. Sur ce terrain-là, au moins, le sponsor d’Ethereum ne se contente pas de prophétiser : il mise.
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