Depuis sa transition vers le mécanisme de consensus Proof of Stake, Ethereum est guetté de tous les angles par le gendarme boursier américain. S’agit-il vraiment d’un titre financier ?
Alors que sa longue bataille juridique avec Ripple approche de sa fin, la SEC braque déjà ses projecteurs sur d’autres cryptomonnaies, y compris Ethereum.
Pour rappel, la Securities and Exchange Commission (SEC) accuse Ripple Labs d’avoir illégalement vendu 1,3 milliard de dollars de tokens XRP entre 2013 et 2020. Concrètement, la SEC estime que XRP devait s’enregistrer en tant que valeur mobilière avant d’être proposé aux investisseurs.
Preuves à l’appui, Ripple a réussi à faire pencher la balance de son côté, ce qui pourrait bientôt mettre fin à son bras de fer avec la SEC et créer un précédent judiciaire pour tous ceux qui remettent en question le statut juridique des cryptomonnaies. En attendant le verdict final de la justice américaine, certains membres de la crypto sphère se sont lancés dans des spéculations sur la classification juridique d’Ethereum après sa transition vers la PoS.
Ethereum PoS : la prochaine cible de la SEC ?
Le président de la SEC, Gary Gensler, a auparavant expliqué au journal Wall Street que les cryptomonnaies qui proposent des services de staking à leurs investisseurs pourraient réussir le test de Howey.
“Selon le test de Howey, il s’agit d’un autre indice qui démontre que les investisseurs s’attendent à tirer parti des efforts des autres”, a-t-il déclaré aux médias à l’issue d’une audience au Congrès, sans toutefois préciser les cryptomonnaies concernées.
Aux États-Unis, le test de Howey est un outil utilisé par les tribunaux afin de déterminer si un actif financier peut être considéré ou non comme une valeur mobilière. Par exemple, les instruments d’investissement comme les actions et les obligations sont classés comme des titres ou valeurs mobilières.
Quels sont les critères du test de Howey ?
Selon le Securities Act (loi américaine signée en mai 1933), un contrat d’investissement doit comporter trois volets. Si un actif ne répond pas à l’un de ces critères, il ne peut pas être considéré comme un titre financier.
- Il doit y avoir un investissement d’argent;
- L’argent doit être investi dans une entreprise commune (en droit américain, une entreprise commune est une société où les fonds des investisseurs sont regroupés avec ceux des dirigeants de l’entreprise);
- Les investisseurs doivent s’attendre à tirer des bénéfices (uniquement) des efforts des autres.
Dans le cas d’Ethereum, les validateurs déposent leurs ETH dans un contrat intelligent pour pouvoir valider les transactions et assurer la sécurité de la blockchain. Il ne s’agit donc pas nécessairement d’un “investissement d’argent”, puisque les “stakers” déposent leurs fonds en guise de garantie pour participer au mécanisme Proof of Stake. En termes simples, ils ne font pas d’achat ou d’investissement.
Cet argument peut être valable techniquement. Cependant, on ne peut pas le considérer comme un argument solide, car les ETH déposés en guise de garantie n’échappent pas au risque de perte qui caractérise la plupart des investissements.
La version PoS d’Ethereum répond-t-elle au deuxième critère ?
Le deuxième volet du test de Howey stipule que “l’argent doit être investi dans une entreprise commune”. Il existe deux types d’entreprises communes :
1- Entreprise commune horizontale
Dans ce type d’entreprises, les capitaux des investisseurs sont liés les uns aux autres par le “pooling des fonds”. De même, les bénéfices sont distribués au prorata. Certains pensent que le staking d’ETH est éligible à ce critère puisque les fonds placés en staking sont verrouillés dans un contrat intelligent “commun”. Cependant, il ne s’agit pas d’une “mise en commun” à proprement parler puisqu’aucun promoteur ou autorité centrale n’a de contrôle direct sur les ETH placés en staking.
Chaque validateur place 32 ETH dans un contrat intelligent commun, mais les ETH restent séparés et liés uniquement aux nœuds de leurs validateurs. Les validateurs sont encouragés à valider les transactions, mais ils peuvent faire l’objet de sanctions en cas de fraude. En outre, les actions d’un validateur (qu’elles soient favorables ou défavorables) n’ont aucun impact sur les autres validateurs. On ne peut donc pas parler d’une répartition proportionnelle des bénéfices. Par conséquent, Ethereum PoS ne répond à ce critère.
2- Entreprise commune verticale
Ici, l’investissement est axé sur la relation entre l’investisseur et l’émetteur/promoteur. De toute évidence, ce critère ne s’applique pas à Ethereum car il ne dépend d’aucun promoteur. Ethereum PoS est un projet décentralisé et open source. Tout le monde peut rejoindre le réseau Ethereum en tant que validateur. En fonction de leurs actions, les validateurs peuvent être soit récompensés soit pénalisés par les contrats intelligents. Enfin, les récompenses qu’ils reçoivent ne proviennent pas des efforts d’un promoteur ou d’un émetteur.
Ethereum PoS ne répond pas au deuxième critère du Test de Howey. Comme expliqué plus haut, les actifs évalués doivent répondre à tous les critères pour être considérés comme des titres financiers. Par conséquent, Ethereum ne peut pas être considéré comme un titre selon le test Howey.
Qu’en est-il du troisième critère ?
Selon le troisième critère du test de Howey, les investisseurs doivent s’attendre à tirer des bénéfices (uniquement) des efforts des autres.
Comme expliqué plus haut, les récompenses de staking Ethereum ne dépendent que des efforts des validateurs. Ainsi, les gains d’ETH ne “dépendent pas uniquement des efforts des autres”. Les validateurs essaient de passer le plus de temps possible à vérifier les transactions du réseau.
Ethereum ne répond pas à deux (voire trois) critères du test de Howey. Par conséquent, Ethereum PoS n’est pas un titre financier.
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