« Une part très significative » des volumes crypto est utilisée par la Russie sous sanctions. Quel serait alors l’impact d’un accord en Alaska qui lèverait les sanctions américaines contre la Russie ?
Suivre les circuits d’évasion des sanctions
Depuis 2022, les autorités américaines et européennes affirment à plusieurs reprises que des entités russes utilisent les crypto-actifs comme canal auxiliaire pour contourner les contrôles bancaires, payer des importations sensibles, recycler des revenus d’exportation (notamment d’hydrocarbures) ou dissimuler les chaînes de paiement.
En effet, les signaux publics se sont multipliés :
- OFAC / Département du Trésor américain : ciblage de réseaux de blanchiment utilisant des stablecoins (notamment l’USDT) pour contourner les sanctions, avec publication de listes de signaux d’alerte (« red flags ») spécifiquement destinées au secteur crypto.
- Département de la Justice (DoJ) : opération internationale au printemps 2025 contre Garantex, plateforme crypto russophone déjà sous sanctions, documentant des techniques actives de contournement (changements quotidiens d’adresses, obfuscation des flux).
- Chainalysis (analyse on-chain) : description d’un « pivot » légal de la Russie vers les actifs numériques, avec des dispositifs ad hoc pour normaliser certains usages dans le commerce extérieur.
- TRM Labs : rapport sur des plateformes d’Asie centrale (comme le Kirghizistan) servant d’intermédiaires après les mesures contre Garantex, et sur l’essor d’un stablecoin adossé au rouble (A7A5), accompagné de « heuristiques » on-chain partagées entre acteurs.
- Reuters : en mars 2025, mention de l’usage des crypto-actifs par la Russie dans le commerce pétrolier avec la Chine et l’Inde ; en juillet 2025, indication que les transferts via A7A5 ont dépassé les 40 milliards $ cumulés, avec des pics journaliers au-dessus de 1 milliard $ (selon les données d’Elliptic/TRM).
- Think tanks et analystes (RAND, MarketWatch) : le gouvernement russe a un intérêt structurel à « dé-dollariser » une partie de ses règlements, même si l’ampleur de la substitution crypto reste limitée par la profondeur de marché.
Ce que ces signaux ne disent pas (et qu’il faut garder en tête)
- « Crypto russe » ≠ Bitcoin uniquement. La grande majorité des usages documentés de contournement se font via des stablecoins (USDT) et, plus récemment, via le stablecoin adossé au rouble A7A5, et non via des achats directs de BTC.
- Opacité statistique réelle : une partie du trafic transite par des VASP offshore, des plateformes locales « grises », des desks OTC et des courtiers hybrides. Les sociétés d’analyse fournissent des estimations plausibles, mais pas un « PIB crypto des sanctions ».
- Liquidité globale du marché BTC (spot + dérivés) bien supérieure aux volumes identifiés comme « évasion russe des sanctions ». Même des flux mensuels de plusieurs milliards ne suffisent pas mécaniquement à orienter le prix sur le long terme.
Cartographie des usages russes : des paiements commerciaux à la fuite de capitaux
1) Paiements d’importations sensibles / à double usage
- Contexte : après l’exclusion partielle de SWIFT, nécessité de payer vite et discrètement pour des composants à double usage (machines-outils, puces, optiques, etc.). Canaux en stablecoins (USDT), et depuis 2025, A7A5 via des intermédiaires d’Asie centrale.
- Lien avec le BTC : indirect. Le stablecoin est souvent l’actif pivot avec des conversions en BTC possibles mais marginales.
2) Commerce énergétique (pétrole/gaz)
- Usage crypto dans les ventes de pétrole vers l’Asie, via stablecoins et règlements hybrides. Le BTC est parfois utilisé comme passerelle de liquidité, mais l’USDT reste l’outil standard.
3) Transferts transfrontaliers / diaspora
- Paiements rapides et discrets via USDT, puis reconversion locale. Le BTC reste périphérique.
4) Fuite de capitaux / gestion de patrimoine
- Oligarques et grandes fortunes utilisent les crypto-actifs — y compris le BTC — pour diversifier et protéger une partie de leurs actifs. On note un fort appétit pour le BTC mais des volumes inférieurs aux flux commerciaux en stablecoins.
Le cœur de l’économie crypto russe sous sanctions fonctionne en stablecoins, avec un rôle de soutien pour le BTC. Si ces usages disparaissent, le choc toucherait d’abord les stablecoins et l’écosystème OTC, et seulement de manière la demande en BTC.
Que se passerait-il si les sanctions étaient levées ?
On peut distinguer trois niveaux de demande et leurs réponses probables :
- Demande de nécessité (« transactions hors banque ») : forte chute
- Paiements commerciaux : retour automatique aux circuits bancaires classiques.
- OTC « gris » : fort déclin.
- Impact BTC direct : modeste, car demande surtout en stablecoins.
- Paiements commerciaux : retour automatique aux circuits bancaires classiques.
- Demande patrimoniale (réserve de valeur) : érosion graduelle
- Les grandes fortunes conserveront en partie du BTC pour la diversification.
- Impact sur le prix : neutre à légèrement négatif.
- Les grandes fortunes conserveront en partie du BTC pour la diversification.
- Demande spéculative (« crypto comme outil géopolitique ») : correction de prime
- La fin des tensions pourrait réduire le « narratif » bullish lié à la géopolitique.
- La fin des tensions pourrait réduire le « narratif » bullish lié à la géopolitique.
Le talon d’Achille de l’argument « Pas de Russie = krach du BTC »
Deux conditions extrêmes devraient coïncider :
- Une part décisive de la demande nette viendrait de canaux russes achetant directement du BTC : cela s’avère faux selon les données publiques.
- La fin des sanctions forcerait la vente coordonnée d’un stock massif de BTC détenu par des entités russes : cela semble improbable, car les réserves crypto sont centrées sur les stablecoins.
Ce que disent les sceptiques
- MarketWatch : marchés pas assez profonds pour une évasion massive.
- RAND : motivation stratégique sans domination du marché.
- Chainalysis / TRM : usage réel mais marginal, stablecoins au centre.
Trois scénarios de marché si les sanctions cessent
- A — Baissier : disparition rapide des rails crypto russes → -5 % à -15 % sur 2–6 semaines.
- B — Neutre (base case) : flux nécessaires reviennent à la banque, positions BTC patrimoniales conservées.
- C — Haussier : retour des capitaux, effet macro positif → +5 % à +20 %.
Conclusion
La Russie utilise beaucoup les crypto-actifs, mais surtout les stablecoins. Le BTC joue ici un rôle secondaire. La fin des sanctions déplacerait surtout la demande vers les circuits bancaires, réduirait l’usage des stablecoins, et effacerait une partie du narratif géopolitique, sans provoquer un mur de ventes BTC.
La morale de l’histoire : On se calme, « fin des sanctions = krach Bitcoin » n’est pas étayé par les données.
Avis de non-responsabilité
Avis de non-responsabilité : Conformément aux directives de The Trust Project, cet article d’analyse des prix est uniquement destiné à des fins d’information et ne doit pas être considéré comme un conseil financier ou d’investissement. BeInCrypto s’engage à fournir des informations exactes et impartiales, mais les conditions du marché peuvent changer sans préavis. Effectuez toujours vos propres recherches et consultez un professionnel avant de prendre toute décision financière.
