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“On a échangé nos données personnelles contre un clic de moins et un service gratuit” : Pierre-Nicolas Hurstel, Arianee

8 mins
Mis à jour par Victor Tamer
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Pierre-Nicolas Hurstel est le PDG et cofondateur d’Arianee, la première plateforme de solutions Web3 pour les marques. La société a récemment levé 20 millions de dollars lors d’un tour de table de série A en 2022, dirigé par Tiger Global. Avec des bureaux à Paris et à New York, Arianee compte plus de 50 clients, notamment Breitling, Richemont et Yves Saint Laurent Beauté, et des partenaires comme POAP et The Sandbox.

Pierre-Nicolas est un investisseur actif, un conférencier et auteur souvent invité à partager ses idées sur les grandes transformations digitales, le Web3 et la question du sens dans les entreprises. Nous l’avons rencontré à l’occasion de NFT Paris, où il a accepté de répondre à nos questions.

  • Arianee et BeinCrypto seront présents à Paris Blockchain Week. Pourquoi est-ce important d’y être selon vous ?

C’est très important pour plusieurs raisons, d’abord en tant qu’entreprises porteuses de projets. Afin de pouvoir montrer les dernières innovations, les derniers cas d’usage, les derniers lancements que nous avons déployés avec des marques autour principalement du “digital product passport” mais aussi en termes de “consumer engagement”, d’acquisition et de rétention rendus possibles par les technologies Web3.

C’est donc important de montrer ce qui est sorti, de montrer les niveaux de maturité, de montrer les projets en cours. Mais aussi de rappeler ce qui fait la spécificité de notre projet ; la combinaison d’un protocole open source EVM multichain sous tendant le token $ARIA20 et la startup qui propose des solutions SaaS (software as a service) sur étagère, scalable, pour entreprises. C’est important pour nous de pouvoir montrer les déploiements, ce qui est “live”, et de prendre le temps de réexpliquer nos spécificités.

Pierre Nicolas Hurstel, Arianee

Cela, c’est si on se regarde nous. Mais ce qui est aussi très important, c’est de soutenir tous les événements et les initiatives qui permettent de placer la France et Paris à l’avant-garde et du mouvement Web3 et de montrer au monde que c’est ici que l’on trouve les meilleures boites, les meilleurs ingénieurs, le meilleur ecosystème, les meilleures marques, les meilleurs médias, et pour citer le ministre, les meilleurs régulateurs et donc que c’est ici qu’il faut regarder quand on pense à ce secteur.

  • Pourquoi le monde de la mode fait appel à vous ? La mode est-elle un accélérateur du Web3 ?

Est-ce que c’est la mode qui vient à nous ? Ce qui est sûr c’est nous allons vers ces industries. Nous sommes convaincus que les technologies Web3 vont transformer la façon dont on interagit de manière digitale. Non seulement entre nous, mais aussi avec les marques que l’on aime, que l’on soutient ou que l’on suit. C’est ce fil d’Ariane qu’on essaie de construire, qui permet d’utiliser des assets digitaux pour réinventer la relation digitale de manière désintermédiée et libre. C’est notre conviction à long terme.

Pour mettre tout ça en place, le premier cas d’usage sur lequel on travaille c’est le passeport digital. On pense qu’en ajoutant un passeport digital tokenisé à un produit durable, on va créer les premières grandes vagues d’adoption de ces technologies par le grand public. Dans la catégorie de ces objets durables, on retrouve bien évidemment des objets de mode et de luxe mais on va aussi retrouver demain des objets d’électroménager, des voitures, des vélos électriques etc…

Pour nous c’est le démarrage d’une histoire, et on passe beaucoup de temps sur ce secteur, car on croit que c’est une technologie très pertinente pour lui. C’est aussi un secteur, qui en termes de dépenses marketing et d’utilisation de technologie digitale, est très exposé et donc qui peut bénéficier fortement et en premier de la désintermédiation qui est permise par cette technologie. 

  • On connaît Arianee pour son accompagnement des marques de mode et de luxe dans le Web3, mais vous êtes aussi engagés dans d’autres secteurs d’activité. Pouvez-vous nous en parler ?

Pour rappeler un petit peu la solution Arianee, c’est une solution de “consumer engagement” qui utilise le Web3 pour transformer les relations digitales entre les marques et leurs utilisateurs. Ce que cela permet de faire, est de résoudre des problèmes d’acquisition, de rétention et d’engagement dans l’espace numérique. 

3 cas d’usages : 

  • Le passeport digital produit ;
  • Les programmes de fidélité interopérables, donc des cartes de membres tokénisées qui sont nativement interopérables ;
  • Les assets digitaux, de la photo de profil au backdrop, demain peut-être au “digital wearables” (vêtements numériques).

Toutes les marques ont des enjeux dans la stratégie d’acquisition et de rétention, qu’elles soient retailers, banques, ou télécommunications ; donc a priori, nous pouvons interagir avec n’importe quelle entreprise qui a un budget de marketing digital, et qui veut l’améliorer pour devenir plus indépendante par rapport aux grandes plateformes qui aujourd’hui fixent les règles. Ça, c’est le cadre, mais bien évidemment, il y a des secteurs où c’est plus pertinent que d’autres.

Si on prend le niveau de maturité du Web3, les usages et les outils, on comprend que toutes les marques qui sont focalisées sur la vente d’objets durables, que l’on peut réparer, revendre, où dont il peut être utile de prouver qu’on en est le propriétaire à un tiers, sont prioritaires dans notre stratégie. Je peux en redonner la liste : La mode et le luxe, l’électroménager, l’automobile, la mobilité urbaine, etc.

Ensuite, sur le sujet de l’interopérabilité des programmes de fidélité, dans ce cas, nous pouvons toucher tout le monde. Nous travaillons avec le groupe Casino pare exemple. À partir du moment où on s’imagine qu’on va pouvoir tokéniser la relation client et qu’il n’y a pas forcément d’objet, on va pouvoir toucher absolument tout le monde. 

Quant au cas d’usage de l’acquisition avec des programmes d’assets digitaux qui sont soit droppés gratuitement ou vendus, là aussi toutes les marques de la FMCG (Fast Moving Consumer Good en anglais ou : biens de grande consommation, ndlr.) sont pertinentes. En particulier les marques de beauté. Dans notre cas nous travaillons beaucoup avec le groupe L’Oréal ou avec Yves Saint Laurent Beauté.

Donc on voit bien que sur ces différents aspects, faire du consumer engagement mieux qu’avant, grâce au Web3, c’est le problème de tout le monde. Se désintermédier de Google, Facebook, Meta qui décident des règles, les changent, montent les prix et baissent l’efficacité, c’est aussi le problème de tout le monde. Nous sommes là pour régler ces problèmes. 

Yves Saint Laurent Beauté

Ensuite, le digital product passeport, c’est pertinent si l’on vend des produits durables.

La carte de membre est pertinente si on a envie de construire un écosystème et profiter de l’interopérabilité du Web3 pour donner plus d’avantages à ses utilisateurs dans un milieu ouvert. Quant aux assets digitaux purs, là il faut avoir une vraie brand equity, une proposition créative importante et des dispositifs derrière solides pour que ça marche. Donc en fonction de l’angle par lequel on rentre, on va pouvoir être plus pertinents sur certains secteurs que d’autres.

  • Quelle est votre vision du chemin que prend le Web 3 en ce qui concerne le traitement des données personnelles ?

Ce qui nous intéresse, c’est que les utilisateurs contrôlent leurs données personnelles. Parce que j’ai une clé privée et un wallet, je suis maître de ce que j’y mets.

Ainsi, je peux avoir une relation choisie avec les acteurs avec lesquels j’interagis, je peux choisir demain de cacher, de montrer, de connecter, de ne pas connecter et ce dans le but d’être mieux servi, d’avoir plus de personnalisation, et d’avoir quelque chose de plus pertinent qui m’est proposé. Mais si c’est pour qu’à la fin je sois encore plus ciblé et spammé, on aura raté l’enjeu. Si au lieu de récolter des adresses e-mails, on finit par récolter des adresses wallets; ce n’est pas bon, ce n’est pas ce que l’on souhaite construire. Le but c’est de redonner le contrôle aux utilisateurs, leur permettre de choisir avec qui ils veulent être en contact, et d’avoir cette relation à la fois consentie, mais aussi contextualisée. C’est ce qui est intéressant.

Derrière, on va essayer de comprendre les audiences Web3, essayer de les adresser. Tout cela va rebalancer l’équilibre et permettre aux utilisateurs moins spammés, d’être dans des relations plus contextualisées avec les marques et donc mieux en maîtrise de leurs données personnelles. 

  • Quelle place a le Web3 dans la souveraineté numérique ?

C’est la même chose. Aujourd’hui, le problème de souveraineté numérique c’est que l’on a échangé – nous tous, utilisateurs – nos données personnelles contre un clic de moins et un service gratuit. En faisant ça, on a permis à des entreprises de construire des monopoles qui sont établis sur le trade de ces données personnelles. Et Internet se retrouve régi par ceux qui ont été les meilleurs à faire ça.

On pourrait donc dire que l’on pourrait régler ce problème avec des géants européens qui pourraient faire la même chose. Mais on a vu que cela ne marchait pas. Le seul moyen c’est de remettre les données entre les mains des utilisateurs, au lieu qu’elles soient stockées quelque part dans un serveur centralisé sur la côte ouest des Etats-Unis ; elles seront dans les mains de chacun d’entre nous. C’est comme ça que nous voyons la réponse à la question de la souveraineté numérique. Ce n’est pas passer de géants américains à géants européens, c’est de passer de géants à des individus qui contrôlent ce qu’ils font en ligne.

Dans la vie de tous les jours je choisis comment je m’habille, je possède mes choses dans mon dressing, je les montre ou je ne les montre pas, j’ai un coffre ou je n’ai pas de coffre, j’ai un sac à dos, je montre ce que j’ai dedans ou je ne montre pas ce que j’ai dedans. Je ne me fais pas arrêter dans la rue toutes les deux secondes par quelqu’un qui veut me vendre quelque chose. Je n’ai pas quelqu’un qui analyse avec qui je pars en weekend pour me faire acheter quelque chose en rapport. Ça c’est la vie normale. Donc ce que nous pensons c’est qu’en remettant du pouvoir et de la liberté entre les mains des individus, on pourrait remettre des éléments de la vie physique dans la vie digitale, c’est-à-dire décider de ce qu’on fait, avec qui on le fait, comment, et si on le dit. 

  • On parle assez peu du télétravail comme étant le cœur de l’esprit de décentralisation du Web3 en matière de ressources humaines, où chacun peut œuvrer depuis le lieu de son choix à faire avancer son organisation. Quel est votre avis sur le sujet ?

Je crois que le ciment d’une entreprise, c’est la confiance. Quand on monte une équipe, on monte une équipe parce qu’on recrute des talents : peu importe le niveau auquel ils sont dans l’entreprise, on les choisit parce qu’ils ont des qualités. Parce qu’ils ont une capacité d’autonomie, parce qu’on leur fait confiance. A partir du moment où on fait confiance, on peut travailler d’où on veut. Si on a besoin, on peut aller faire une course, aller à un rendez-vous médical ou autre, aller chercher ses enfants. Chacun peut s’organiser comme il veut, vivre où il veut, avoir le style de vie qu’il veut et faire et intégrer son travail autour de ça.

À partir du moment où on fait confiance à des personnes autonomes, on peut avoir une entreprise complètement “remote”. Les challenges que ça pose c’est qu’il y a moins de sérendipité, c’est-à-dire plus de possibilité de se croiser à la machine à café. C’est plus dur de faire entrer des gens dans le projet. Et en fait, lorsqu’on se pose ces questions et qu’on essaie d’y trouver des réponses spécifiques et structurées, et bien on fait peut-être mieux que la machine à café. Parce qu’on va organiser des événements, des onboardings hyper structurés et attrayants, du mentorat. Et ça, au final ça se dilue quand on se dit “ et bien tu le croiseras au bureau” ; en “remote” puisqu’on ne se croisera pas au bureau, on est obligé de le faire bien.

En plus de la décentralisation, le parallèle à faire avec le Web3 est aussi, pour les personnes, la récupération du contrôle sur leurs vies, comme avec leurs données personnelles.

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Victor Tamer
Après des études de droit, puis de commerce en France, aux Etats-Unis et en Italie ainsi qu’un début de carrière américain et français, Victor s’intéresse rapidement au Web3 et devient d’abord traducteur dans le domaine puis rédacteur. Aujourd’hui il est responsable des partenariats et ambassadeur sur le terrain pour BeinCrypto. Victor est également photographe de mode.
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