Douze ans après son lancement, le XRP reste l’un des tokens les plus échangés au monde… mais c’est surtout sur les plateformes de trading. Les cas d’usage « réels » existent — transferts transfrontaliers via Ripple (ex-ODL), DEX natif du XRP Ledger, quelques pilotes de tokenisation — mais ils pèsent peu face au déferlement de volumes spéculatifs. Et côté performance, l’année écoulée raconte une histoire moins glorieuse que les slogans : la hausse spectaculaire de la fin 2024–début 2025 s’est vite tassée et, pour l’immense majorité des acheteurs qui sont entrés « après le pump », détenir du XRP en 2025 n’a pratiquement rien rapporté.
Promesses et réalité d’un « pont de liquidité »
Depuis 2012, l’argumentaire est simple : XRP sert de devise-pont pour régler des paiements internationaux en quelques secondes et pour des frais dérisoires. Ripple a effectivement industrialisé cette idée (le produit s’est appelé On-Demand Liquidity, puis « Ripple Payments »), convainquant des PSPs et acteurs régionaux — par exemple SBI Remit (Japon) ou Tranglo (Asie) — d’utiliser XRP pour « ponter » deux monnaies fiat sans pré-financement de comptes nostro. L’enjeu : dégeler du capital, accélérer les règlements, lisser les coûts.
Mais trois cailloux restent dans la chaussure :
- Opacité des volumes : Ripple publie des « XRP Markets Reports » et communique des tendances, rarement des chiffres complets par corridor. Le rapport Q1 2025 évoque surtout… le volume tradé sur les exchanges (ADV ≈ 3,2 Mds $ sur les plateformes « top-tier »), pas le volume opérationnel réglé via XRP dans les flux B2B/B2C.
- Concurrence des stablecoins : pour beaucoup de banques/fintechs, il est plus simple d’utiliser USDT/USDC — voire désormais RLUSD, le stablecoin dollar que Ripple a lancé fin 2024 — que d’assumer la volatilité d’un actif de marché. L’existence même de RLUSD montre que, dans les paiements, la stabilité prime sur la spéculation.
- Banques & bilan : la plupart des banques restent réticentes à détenir un cryptoactif volatil au bilan pour traiter de gros flux, même après les clarifications judiciaires aux États-Unis en 2023–2025 sur la qualification d’XRP. La levée (partielle) de l’épée de Damoclès réglementaire a aidé le prix… mais n’a pas, par magie, transformé chaque banque en LP de marché XRP.
Les chiffres parlent : spéculation 1 – usage 0 (ou presque)
La façon la plus honnête d’évaluer « à quoi sert XRP », c’est de comparer où passent réellement les volumes.
- Volume d’échange CEX (spéculatif par nature) : au 13 septembre 2025, XRP affiche ≈ 5–6 Mds $ de volume 24 h sur les grandes plateformes, selon CoinMarketCap et/ou CoinGecko — exactement le genre de métrique qui figure en bonne place dans les rapports de Ripple et dans les listings d’agrégateurs.
- Volume on-chain du DEX XRPL : côté utilité sur le XRP Ledger, la finance on-chain reste modeste. DeFiLlama recense ≈ 3,9 M$ de volume DEX sur 24 h sur XRPL au moment d’écrire ces lignes, avec une part DEX vs CEX d’environ… 0,02 %. Autrement dit : 99,98 % de l’activité se situe hors du ledger, sur des carnets centralisés.
- Transactions « paiements » sur XRPL : l’activité du ledger existe (paiements, AMM, IOUs, etc.). Par exemple, XRPSCAN indiquait ≈ 779 000 paiements/jour le 10 septembre 2025. Mais un compte de transactions n’est pas une valeur réglée ; or les stats publiques sur la valeur totale réglée en fiat via XRP restent éparses.
- AMM natif et DeFi XRPL : l’amendement XLS-30 (AMM natif sur XRPL) est en production depuis 2024. C’est un vrai plus technique… sans explosion d’usage : TVL et volumes DEX demeurent faibles face à Ethereum/Solana. Bref, technologiquement, ça bouge ; économiquement, l’ordre de grandeur reste très modeste.
Conclusion intermédiaire : sur la donnée observable, le gros de la vie du XRP est du trading, pas de la trésorerie d’entreprise ni du règlement B2B massif. Le pont de liquidité existe, mais c’est un pont à voie unique, pas une autoroute.
Pourquoi l’usage reste à la marge
a) Volatilité & gouvernance du risque.
Un trésorier préfère une jambe stable (USDC/USDT/banques) qu’un actif dont la valeur peut varier de plusieurs pourcents en quelques heures. D’où la popularité des stablecoins, y compris au sein de l’écosystème Ripple via RLUSD.
b) Règlementation & conformité.
Même si la saga judiciaire américaine a clarifié une partie des débats — par ex. les ventes « programmatic » en bourse ne constituaient pas des offres de titres, tandis que certaines ventes institutionnelles de Ripple devaient respecter les règles — l’appétit « banque-tier-1 » pour détenir XRP au bilan reste limité. Les équipes conformité préfèrent réduire l’exposition prix.
c) Concurrence technologique.
Sponsored SponsoredLes rails non-volatils progressent : stablecoins multichaînes, RWA tokenisés libellés en dollars, initiatives de paiements instantanés côté réseaux cartes et banques. L’effet réseau est costaud : plus il y a de marchands/PSPs qui acceptent des dollars tokenisés, moins le besoin d’une devise-pont volatile se fait sentir.
« Mais les partenaires existent ! » — oui, et c’est précisément le sujet
Qu’on ne se trompe pas : il y a de vrais déploiements (SBI Remit pour des couloirs Japon → Asie, Tranglo, d’autres PSPs). Pour autant, l’ordre de grandeur publié reste modeste face au bruit de marché. Les agrégateurs suivis par les professionnels montrent des milliards de dollars par jour de volume CEX pour XRP, alors que l’ensemble de la DeFi XRPL pèse quelques millions par jour et < $200 M de stablecoins circulant sur XRPL (selon les jours). À l’échelle crypto, c’est petit.
De fait, même Ripple pousse un stablecoin maison (RLUSD) pour couvrir des cas d’usage où la volatilité est un problème — un aveu implicite que, dans beaucoup de scénarios de paiement, XRP n’est pas l’actif idéal.
Les 12 derniers mois pour l’investisseur : la vérité des courbes
Avant d’attaquer les plus-values, plantons des dates (votre fuseau est Europe/Paris, nous sommes le 13 septembre 2025 à la rédaction de cet article).
- Point de départ, début septembre 2024 : XRP cote ≈ 0,548 $ (instantané CoinMarketCap du 1er septembre 2024).
- Aujourd’hui : XRP évolue autour de 3,10–3,12 $, avec ≈ 5–6 Mds $ de volume 24 h.
Maths simples : sur 12 mois glissants, le prix a été multiplié par ~5 (≈ +468 %). Oui, c’est vertigineux — mais tout dépend quand vous êtes entré. La quasi-totalité de la performance provient du rally entre novembre 2024 et janvier 2025. Puis le marché a latéralisé : un acheteur de janvier 2025 à ~3,0–3,2 $ n’a, à ce jour, quasiment rien gagné (voire est en léger négatif net de frais). Les coups partis font de beaux rétroviseurs ; la réalité 2025 pour un porteur « moyen » entré tard est plate.
SponsoredInformations boursières pour XRP (XRP)
- XRP est un(e) crypto sur le marché CRYPTO.
- Le cours est de 3.12 USD, actuellement avec une évolution de 0.05 USD (0.02 %) par rapport à la clôture précédente.
- Plus haut intraday : 3.13 USD ; plus bas intraday 3.02 USD.
Leçon investisseur : « Acheter l’histoire de l’utilité » n’a pas été, sur 2025, un catalyseur de performance durable. Le prix a surtout réagi à des triggers macro/réglementaires et à l’appétit de risque global crypto — pas à une explosion mesurable de volumes B2B réglés via XRP.
Anatomie d’une domination… du carnet d’ordres
Pourquoi le trading phagocyte-t-il l’essentiel de l’activité ?
- Parce que XRP reste un actif de marché liquide (#3 par market cap une partie de l’année), apprécié des traders pour son profondeur et sa volatilité exploitable. Les rapports de marché en font foi : 3,2 Mds $ d’ADV sur exchanges « top-tier » au T1 2025, 5–6 Mds $ de volumes journaliers fin été 2025. Rien de tout cela ne reflète une facture réglée par un industriel ; c’est du flow spéculatif.
- Parce que la DeFi XRPL vient seulement d’ouvrir l’AMM natif (XLS-30) et reste lilliputienne comparée aux écosystèmes EVM. DeFiLlama mesure un volume DEX typique < $5 M/jour et une domination CEX écrasante (DEX vs CEX ≈ 0,02 %). Même si l’AMM est un progrès d’architecture, ce n’est pas un canon de volumes.
- Parce que, pour les transferts fiat-fiat, les entreprises choisissent la stabilité. Or RLUSD (le stablecoin de Ripple) et ses équivalents concurrents cannibalisent naturellement l’USP de XRP dans les paiements. C’est le paradoxe Ripple : pour conquérir les paiements, Ripple promeut un produit qui rend XRP moins nécessaire.
« XRP vs SWIFT » : le mythe persistant
Remplacer SWIFT n’a jamais été réaliste à court terme. SWIFT n’est pas un système de règlement unique à « battre » avec un token plus rapide ; c’est une interopérabilité, un corpus normatif (ISO 20022), des accords de place. Même dans l’univers Ripple, le cas d’usage raisonnable de XRP demeure un pont de liquidité dans certains corridors et certains cas de funding — pas la substitution du réseau bancaire mondial.
Sponsored SponsoredEt demain ? Trois scénarios lucides
- Scénario “utilité incrémentale” (le plus probable). XRP continue d’équiper des niches où le coût de pré-financement est élevé et la liquidité CEX suffisamment profonde pour « passer » des tickets de taille. Les volumes progressent, mais restent n-1 par rapport aux rails stablecoins.
- Scénario “effet réseau”. Si le stack Ripple (custody, stablecoin, banque-as-a-service, prime brokerage, etc.) parvient à agréger des acteurs, à brancher RLUSD et des solutions de hedging faciles, certains corridors pourraient accélérer. Mais cela renforcerait d’abord… le stablecoin Ripple comme rail de paiement.
- Scénario “macro-rally”. Un nouveau bull-run crypto, une détente réglementaire ou des annonces (ETF, grands partenariats) pourraient pousser le prix bien plus haut. Ce serait à nouveau un catalyseur prix, pas la preuve d’un basculement des paiements B2B mondiaux sur XRP.
Verdict : « utile », oui — mais à la marge. Le cœur du volume reste la spéculation
- Données de marché : XRP traite milliards/jour sur échanges centralisés (CEX). Le ledger XRPL, lui, affiche millions/jour de volumes DEX et un TVL/stock de stablecoins encore modeste ; la part DEX vs CEX est marginale (~0,02 %). Le message : l’activité économique observable est d’abord financière et spéculative.
- Paiements réels : il y en a. Mais les chiffres publics sur la valeur réglée via XRP restent rares et fragmentaires ; la dynamique la mieux documentée concerne… le trading (ADV, profondeur, spreads), pas les volumes clients.
- Performance investisseur sur 2025 : sur 12 mois (sept. 2024 → sept. 2025), la hausse affichée provient quasi intégralement d’un rally spéculatif fin 2024–début 2025. Depuis janvier 2025, détenir du XRP a peu rapporté. Ainsi, l’affirmation « sur les 12 derniers mois investir dans XRP n’a rien rapporté » est fausse au sens strict (la période inclut le pump), mais vraie dans l’expérience vécue par l’acheteur tardif : 2025 a surtout offert du bruit et un P&L plat.
Post-scriptum de méthode (pour éviter les slogans)
Pour trancher la question « à quoi sert le XRP », il faut regarder où passent les dollars :
- Sources “prix et volumes” : agrégateurs CoinMarketCap/CoinGecko (prix actuel, volume 24 h), instantanés historiques CMC (prix au 1er septembre 2024).
- Sources “on-chain XRPL” : DeFiLlama (volumes DEX XRPL, part DEX vs CEX) et XRPSCAN (compte de paiements journaliers).
- Communication officielle Ripple : XRP Markets Report Q1 2025 (met l’accent sur les volumes échangés). RLUSD (stablecoin Ripple) éclaire le choix de la stabilité pour les paiements.
- Contexte réglementaire : articles d’actu sur l’épilogue judiciaire de la saga SEC vs Ripple en 2025.
Conclusion
En vérité, le XRP sert — mais surtout à animer un marché. Comme actif de bridge pour certains corridors, il fonctionne ; comme argument de disruption totale des paiements mondiaux, il déçoit. Les chiffres publics montrent un écart abyssal entre volumes de trading et volumes d’usage. Et pour l’investisseur, l’année écoulée a rappelé une loi simple : si votre thèse d’investissement était “l’utilité va pousser le prix”, vous avez surtout capté un rally macro — puis rien. Tant que les rails stables (USDT/USDC/RLUSD) avancent plus vite que la demande d’un pont volatil, XRP restera utile… à la marge.
La morale de l’histoire: Les stablecoins étouffent le XRP à petit feu.