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Larry Ellison, le concurrent d’Elon Musk qui se fout de la crypto

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Mis à jour par
Célia Simon

20 septembre 2025 13:30 CET
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Larry Ellison n’a jamais joué la star de la “crypto-économie”. Il n’a pas enchaîné les prophéties sur Bitcoin, ni télécommandé des hausses de memecoins à coups de tweets. Pendant que d’autres testaient des moyens de paiement en Dogecoin, lui posait patiemment les rails d’un empire d’infrastructure : une base de données qui règne sur l’entreprise, un cloud taillé pour l’IA générative, des deals industriels qui propulsent Oracle au centre de la nouvelle géopolitique du calcul.

Résultat : à la faveur d’une tornade d’annonces IA en 2025, Ellison a brièvement dépassé Elon Musk au rang d’homme le plus riche du monde — et, surtout, s’est imposé en rival direct de Musk sur l’axe clé de la décennie : qui contrôle la puissance de calcul.

Le pari d’Ellison : l’IA, pas les tokens

La séquence 2024–2025 résume sa méthode. En juin 2024, Oracle officialise un partenariat avec Microsoft et OpenAI : l’IA d’Azure s’étend sur l’Oracle Cloud Infrastructure (OCI) pour augmenter la capacité de calcul dédiée à OpenAI. C’est l’amorce d’un repositionnement spectaculaire : Oracle passe de “challenger du cloud” à colonne vertébrale énergétique de l’IA.

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Un an plus tard, l’annonce qui fait trembler Wall Street : OpenAI s’engage pour 300 milliards de dollars de puissance de calcul sur cinq ans auprès d’Oracle, dans le cadre de “Stargate”, méga-projet d’infrastructures de 4,5 GW qui doit mailler les États-Unis en centres de données IA. L’action Oracle s’envole ; la fortune d’Ellison suit, au point de talonner Musk, voire de le dépasser fugacement selon certains classements. Au-delà des chiffres, le signal est clair : Ellison mise sa légende sur l’industrialisation de l’IA, pas sur une révolution monétaire crypto.

Dans ses keynotes, Ellison parle sécurité, bases de données, automatisation et désormais superclusters Nvidia ; quand il évoque la “blockchain”, c’est pour l’intégrer comme type de table immuable dans Oracle Database, ou comme plateforme d’entreprise (Hyperledger Fabric) — loin des tokens spéculatifs. Autrement dit : infrastructure d’abord, narration crypto ensuite (ou pas).

“Concurrent” d’Elon Musk… mais sur un autre échiquier

Que Musk soit la référence du moment en matière de grandes ambitions techno ne fait guère débat. Mais Ellison n’est pas sur le terrain des fusées, il est sur celui des datacenters — là où se décide la vitesse de l’IA, et donc la valeur captée par les modèles. Quand xAI, la société d’IA de Musk, cherchait en 2024 à louer pour 10 milliards de serveurs à Oracle, c’était déjà l’aveu que “l’usine à calcul” d’Ellison avait pris de l’épaisseur stratégique. Les discussions ont capoté ensuite, xAI préférant déployer son propre “Gigafactory of Compute”, mais la ligne de front reste nette : Musk construit (ou fait construire) des usines de GPU ; Ellison vend la capacité (et l’opère) à l’échelle étatique.

Dans ce duel silencieux, Oracle avance avec Nvidia et ses partenaires : OCI agrège des superclusters pouvant grimper à des centaines de milliers de GPU (jusqu’à 131 072 par cluster dans certaines configurations), pendant qu’OpenAI réserve des GW de puissance et que l’écosystème IA s’arrime à des régions cloud souveraines. C’est austère, industriel, mais c’est là que se fabrique la vitesse d’entraînement des modèles. Et c’est là qu’Ellison excelle.

“Se fout de la crypto” : un raccourci… fidèle à son style

Dire qu’Ellison “se fout de la crypto”, c’est une formule. Plus précisément : il évite d’en faire un étendard public. On ne retrouve pas chez lui la logorrhée “Bitcoin/ETH” ou l’évangélisme web3. Il ne s’est pas amusé à tester Dogecoin sur un site marchand, ni à entretenir une relation fusionnelle avec une communauté crypto. À l’inverse, l’écosystème Oracle a bel et bien “pris la blockchain” — mais sous forme de brique de base de données (blockchain tables, annoncées à OpenWorld 2019) et de plateforme consortium pour la traçabilité logistique, la finance inter-entreprises ou l’identité. Enterprise tech, pas spéculation.

La comparaison avec Musk souligne la différence de posture : Musk a revendiqué, de 2021 à 2024, l’acceptation de Dogecoin pour le merchandising de Tesla (et promis la même chose chez SpaceX), tout en soufflant régulièrement sur les braises “DOGE to the moon”. Les cours ont plusieurs fois réagi à ses déclarations, au point de nourrir des procédures judiciaires — finalement rejetées en 2024. Qu’on l’admire ou qu’on s’en irrite, c’est l’anti-Ellison absolu : chez Larry, pas de pumping, pas de slogans.

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Portrait d’un stratège d’infrastructures

Le logiciel comme forteresse. Ellison a construit Oracle autour d’une intuition simple : la base de données d’entreprise est un château fort où l’on entre par l’ingénierie et d’où l’on sort rarement. Il a ensuite “étagé” ce château (applications, middleware), puis répliqué la logique dans le cloud : OCI est positionné comme un cloud d’infrastructure plus simple et moins cher pour l’IA, avec une obsession performance/coût qui séduit les gros consommateurs de GPU.

Un goût pour le coup d’après. En 2019, quand Oracle ajoute des “blockchain tables” à sa base de données, Ellison ne promet pas de renverser la finance ; il offre aux développeurs un append-only chiffré pour l’audit interne — une fonction “blockchainisée” sans token. En 2018, la plateforme blockchain d’Oracle (Hyperledger) s’adresse aux consortiums et à la traçabilité. On peut trouver ça moins flamboyant que les L1 à TVL exponentielle ; c’est pourtant l’ADN d’Oracle : vendre de la confiance aux entreprises.

Le sens du symbole. En 2012, il rachète 98 % de l’île de Lānaʻi à Hawaï, puis Indian Wells (tournoi et stade) en 2009 ; il fait de l’America’s Cup un laboratoire de design extrême et signe en 2013 l’un des plus grands come-backs de l’histoire du sport. Ces totems racontent un personnage : compétiteur, esthète de la performance, showman à sa façon — mais toujours au service d’une ingénierie.

Le recentrage géographique. En 2020, Oracle déménage son siège social à Austin (depuis Redwood City) ; Ellison, lui, s’installe à Hawaï. En 2024, il annonce que le campus de Nashville deviendra le siège mondial d’Oracle — signe d’un ancrage dans la santé (après l’acquisition de Cerner) et dans l’Amérique des grands systèmes. Là encore, on parle industrie et long terme, pas cycles de cryptos.

Ellison vs Musk : fortunes qui se croisent

La bourse a fait du face-à-face Ellison–Musk un feuilleton : en septembre 2025, l’action Oracle s’embrase après une salve de méga-contrats cloud (dont celui avec OpenAI), propulsant sa capitalisation vers le club du trillion et gonflant la fortune d’Ellison aux alentours de 390–405 milliards selon les jours et les indices. Musk reprend vite la main — la hiérarchie bouge au gré des volatilités — mais le message est passé : Ellison a rejoint le cercle des “roi-makers” de l’IA.

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“Concurrent” de Musk, Ellison l’est aussi parce qu’il vend aujourd’hui des choses que Musk achète (ou construit) : des fermés de GPU, des régions cloud, des contrats d’engagement pluriannuels où la sécurité d’approvisionnement et la facture par mégawatt comptent plus que la poésie des slides. L’acier plutôt que le storytelling.

Pourquoi il ne s’enflamme pas pour la crypto

Trois raisons, en filigrane, expliquent sa distance :

  1. Clientèle entreprise. Oracle adresse des banques, des États, des grands industriels : ces clients veulent de la traçabilité, de l’audit, de la compliance — pas des jetons volatils. D’où la blockchain d’entreprise, pas le DeFi-degen.
  2. Priorité calcul. En 2025, la ressource rare n’est pas le “yield on-chain”, c’est la puissance de calcul. S’asseoir à la table des GW de data centers, des centaines de milliers de GPU, des contrats à 11–12 chiffres, c’est la vraie bataille. Ellison l’a gagnée au moins une fois cette année.
  3. Avantage comparatif. L’histoire d’Oracle n’est pas celle d’un exchange ou d’un wallet, mais d’un OS de l’entreprise ; l’IA réclame exactement les atouts d’Oracle (bases, sécurité, perfs, industrialisation). Aller chercher la crypto-retail n’apporterait ni marge, ni moat.

L’anti-héros de la spéculation, le héros de l’infra

On peut préférer le panache martien d’Elon Musk ; on peut admirer ses paris fous et son sens du spectacle. On peut aussi voir, chez Ellison, l’autre face de la Silicon Valley : celle qui bétonne. La même qui, un jour de 2019, introduit des tables blockchain pas sexy mais utiles ; qui, un soir de 2025, signe l’accord d’infrastructure qui recâble l’économie de l’IA ; qui, enfin, transforme une “vielle boîte de bases de données” en centrale nucléaire de GPU. Ce n’est pas glamour, mais c’est concret — et, accessoirement, extrêmement rentable.

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Une proximité avec Musk, sans mimétisme

Ellison n’est pas l’adversaire caricatural de Musk ; il en fut même allié. Administrateur de Tesla de 2018 à 2022, investisseur de long terme, ami revendiqué, il a joué le rôle de “sachant” industriel dans les années de feu. Puis il est parti, sobrement. Aujourd’hui, chacun joue sa partition : Musk bâtit xAI et space-compute ; Ellison vend des GW et loue des GPU à ceux qui veulent battre OpenAI… ou la rejoindre.

Côté crypto, la divergence est frontale : Musk a plusieurs fois promu Dogecoin, accepté le DOGE pour le merch Tesla/SpaceX, et ses sorties ont souvent fait bouger le marché (un juge américain a finalement classé sans suite une plainte l’accusant de manipulation). Ellison, lui, n’a jamais tenté d’“allumer” un coin. Son “crypto-moment” majeur restera d’avoir intégré la preuve d’intégrité au cœur d’une base de données. Deux écoles, deux cultures.

Ce que raconte le “style Ellison” de 2025

  • Saturation par les deals. L’annonce sur OpenAI n’est pas isolée : Oracle enchaîne les contrats mastodontes, promet plus d’une centaine de régions cloud et des capex faramineux en GPU Nvidia. Là où d’autres construisent un récit, Ellison empile des obligations de performance.
  • Américanisation de l’IA. En s’arrimant à OpenAI/Microsoft et à l’écosystème Nvidia, Oracle se pose en vecteur de souveraineté pour l’IA occidentale : puissance de calcul domestique, réseaux énergétiques, souveraineté cloud.
  • Esthétique du contrôle. De Lānaʻi à Indian Wells en passant par l’America’s Cup, Ellison cultive une esthétique : prendre la main sur l’infrastructure (une île, un stade, une flotte) et la pousser à son maximum. Le cloud n’est que la version 2025 de cette obsession.

Épilogue : “crypto-agnostique”, IA-pragmatique

Dire qu’Ellison “se fout de la crypto”, c’est constater que sa révolution n’est pas monétaire : elle est thermo-industrielle. Il ne veut pas “tokeniser le monde”, il veut l’électrifier en calcul. Dans un monde où l’IA devient l’infrastructure des infrastructures, celui qui vend les GW, orchestre les GPU et sécurise les données a plus de pouvoir — et de marge — que celui qui fait grimper un meme-coin. C’est rude, c’est froid, c’est Ellison. Et cette année, c’est gagnant.

La morale de l’histoire: IA contre Crypto, la course est lancée.

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