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“La blockchain est assez grande pour tout le monde” : interview avec Amylee, artiste NFT

9 mins
Mis à jour par Célia Simon
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EN BREF

  • Be[In]Crypto a retrouvé l'artiste Amylee pour un nouvel entretien, cette fois centré sur son expérience en tant que femme au sein du secteur crypto et NFT.
  • L'artiste explique en quoi, au-delà bien sûr de son format digital, l'art NFT peut différer de l'art traditionnel.
  • Concernant le secteur numérique, Amylee présente une sphère souvent plus ouverte à l'esprit communautaire que son homologue du monde physique
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Au cours du mois de mars, qui a été marqué par la Journée internationale de la femme le 8 mars, le thème des femmes au sein de la crypto a été abordé sous diverses formes. Cette fois, Be[In]Crypto a retrouvé l’artiste Amylee pour un entretien.

Dans l’optique de dédier l’ensemble du mois de mars aux femmes et à leur épanouissement au sein de la crypto, Be[In]Crypto a retrouvé l’artiste française Amylee, afin de nous en dire plus sur son travail, notamment en quoi, au-delà bien sûr de son format digital, l’art NFT peut différer de l’art traditionnel. L’artiste nous a également fait part de son expérience de femme au sein du secteur numérique, évoquant là encore une sphère souvent plus ouverte à l’esprit communautaire que son homologue du monde physique, et de son potentiel inclusif.

Be[In]Crypto (BiC) : Sachant que vous êtes à la fois artiste “traditionnelle” et artiste NFT, y a-t-il des éléments différents, au niveau du contenu, des sujets, de l’inspiration, ou du message, qui se présentent au niveau de l’art NFT et ne se présentent pas dans l’art traditionnel ?

Amylee : Je pense que ça dépend des choix de l’artiste. Dans mon cas, j’ai fait une collection qui est vraiment en rapport avec mes tableaux physiques, puisque ce sont des photos animées de mes tableaux, mais à côté de ça j’ai développé des “collectibles”, qui sont plutôt des cartes à jouer.

Dans ce cas, j’ai aussi pris le parti de développer un thème nouveau pour moi, car j’ai décidé de représenter des figures emblématiques de l’art contemporain et de l’histoire de l’art, ce qui n’est pas vraiment un sujet que je développe dans mes tableaux traditionnels, puisqu’il s’agit souvent de tableaux qui représentent des femmes.

Là, dans mes collectibles, j’ai pris ces références de l’histoire de l’art, avec Picasso, Manet, ect… et je me suis plutôt inspirée des cartes à jouer qu’on collectionnait quand on était enfant. On pourrait dire qu’il y a un rapprochement avec les digigraphies ou mes impressions sur papier en édition limitée, mais mes impressions sur papier en édition limitée sont toujours en rapprochement avec un tableau déjà sorti et avec le même visuel, simplement réalisé en numérique. Au contraire, avec ces collectibles, il s’agit d’une toute nouvelle façon de créer quelque chose que je n’avais pas réalisé auparavent, et qui a donc également été un challenge pour moi, dans le sens ou j’ai tenté une nouveauté.

BiC : On pourrait donc dire qu’il y a à la fois l’art physique qui est simplement transposé dans sa version numérique, ou alors, en ce qui concerne l’art numérique “conçu à partir de zéro”, c’est le cas où on retrouve le plus de challenge, mais aussi également des inspirations plus diverses. Forcément, avec les collectibles, on peut penser aux cartes à jouer numériques en NFT et au gaming qui est actuellement très fort dans le secteur des NFT, avec un aspect plus interractif.

Amylee : Oui, c’est complètement différent. Les collectibles ne sont pas encore terminés, car il y en aura 200 en tout, mais je pense déjà à une prochaine collection, qui sera du même acabit, mais avec une saisonabilité. J’aimerais qu’il y ait un programme au sein de ces créations numériques, et que, s’il s’agit pas exemple d’un arbre, qu’il fleurisse pendant une semaine au printemps. Qu’il y ait des changements au cours de l’année, puis que [la création] revienne à son fichier source. C’est bien sûr un changement temporaire que je ne peux pas incorporer dans mes tableaux physiques.

Les femmes et la crypto

BiC : Sur le versant moins agréable, y a-t-il au contraire des obstacles que vous n’avez pas rencontrés dans le milieu traditionnel et que se sont présentés dans ce travail numérique ?

Amylee : Pour moi, c’était au début : se former à un nouveau vocabulaire, à une nouvelle technologie, que je ne maîtrisais pas encore. Gérer Metaamask, le wallet ; me mettre un peu à la page des actualités sur la blockchain et en comprendre le fonctionnement. Au début, c’est vraiment très abstrait. C’est ce qui a été pour moi les principaux obstacles et je pense que c’est ce qui freine beaucoup les artistes car quand ils commencent à mettre le nez dedans, ils se rendent compte qu’il y a un vocabulaire à apprendre et maîtriser, et différents outils à manipuler. Après, je ne vois pas d’autres choses : on retrouve retrouve un peu les mêmes lignes que dans l’art traditionnel et que je connaissais déjà […].

Ce que je pratiquais un peu moins par rapport à l’art traditionnel, est de se faire un réseau et être surtout présent dans les groupes, sur Discord. Il a d’ailleurs également fallu que je me forme à l’usage de Discord. […] On retrouve aussi des galleries en ligne qui commencent à prospecter pour avoir des artistes NFT. Les métavers sont en fait des lieux d’expo, donc j’y retrouve le même processus que pour des lieux physiques. Je ne me suis donc pas trop perdue.

BiC : Lors de notre dernier entretien, nous avions également parlé d’une autre différence majeure, peut-être plutôt positive pour le coup ; le fait que l’art traditionnel, au-delà du démarchage, reste assez solitaire, tandis que le monde des NFT est par nature extrêmement communautaire. Vous êtes vous à niveau-là confrontée à un certain clash des genres ou culturel dans ce milieu, ou s’agit-il au contraire d’un environnement où il fait bon vivre d’après vous ?

Amylee : J’ai plutôt l’impression que c’est un milieu assez bienveillant, ne serait-ce que lorsqu’on voit que quelqu’un reprend un visuel d’une autre personne, l’information est très vite partagée pour que la personne qui s’est faite plagier soit au courant rapidement. Je suis sur deux groupes de femmes, notamment Queen Metaverse en anglais et un autre ou c’est plutôt mixte. Le problème des groupes est qu’à un moment donné, on devient trop nombreux, l’information circule trop vite et du coup on loupe des choses […].

Personnellement, je n’ai pas eu l’impression d’un clivage homme/femme comme on peut le sentir un peu dans l’art traditionnel, où les artistes masculins d’une ancienne génération, celle au-dessus de la mienne, ont tendance à être un peu “machistador”, et des fois c’est un peu lourd. Dans les groupes de NFT, je n’ai pas ressenti ça, au contraire : les gens sont demandeurs d’informations et sont très contents d’en recevoir, que cela vienne d’un homme ou d’une femme. C’est vrai qu’il a des groupes [exclusivement] de femmes, mais sur Discord, parfois, en lisant certains pseudo, on ne sait même pas si c’est un homme ou une femme. Donc oui, je dirais qu’en grande majorité, c’est de la bienveillance.

BiC : On dit souvent que le milieu crypto manque de femmes, mais certaines femmes qui en font déjà partie disent en général qu’elles ne sentent pas jugées ou exclues comme c’est le cas dans le monde réel. Il est intéressant de voir que vous êtes du même avis.

Amylee : Oui, et je rajouterais même que sur le plan de la sensation de compétition qu’on peut avoir dans l’art traditionnel, lorsque des hommes d’une génération plus ancienne essaient de rabaisser le caquet d’une femme, c’est plutôt en raison d’une pointe de jalousie. La femme est en train de monter, son art est intéressant pour des galleries, il y a des articles à son sujet ; je me mets à la place de l’homme qui va se dire : ‘voilà une concurrente’. Les anciennes générations ont tendance à penser que tous les autres artistes sont des concurrents, alors que pas du tout. […] Dans le milieu des NFT, je ne sens pas cette compétition. […] La blockchain est assez grande pour que tout le monde ait sa place ! Je pense que c’est ce côté “infini” qui rassure ; chacun a sa place […].

BiC : D’après vous, au sujet de ce manque de femme au sein de la sphère crypto, quel serait la cause du problème ? S’agit-il des médias qui ne mettent pas assez les femmes en avant, de données erronnées ou, comme suggéré par certaines, de problèmes d’auto-censure de la femme elle-même ?

Amylee : Je vais un peu m’inspirer de ce qui se passe aussi dans le monde traditionnel par rapport aux femmes, mais je pense que beaucoup n’osent pas. Elles n’osent pas se lancer, provoquer une opportunité, candidater spontannément… Et c’est vrai que dans le monde physique […] je vois que les hommes ont plus tenté de choses et sont plus partis vers l’inconnu. Je pense qu’ils ont moins peur d’oser […]. Peut-être qu’il y a moins de femmes sur le devant de la scène simplement parce qu’elles osent moins. Elles ont souvent de super compétences mais se diminuent beaucoup. C’est en tout cas ce que je ressens dans le milieu physique, et je pense qu’il doit y avoir un peu la même tendance dans le milieu des cryptos.

BiC : Est-ce que d’après vous, quelque chose devrait évoluer ou changer, pour que dans les années à venir, ce milieu blockchain, crypto et NFT soit un peu plus équilibré ne serait-ce que dans une représentation plus inclusive ?

Amylee : Si on veut un déclic, il faudrait déjà que ce soit dans la culture. Il faudrait qu’il y ait des changements dans l’éducation de la personne, afin qu’il puisse y avoir des changements au niveau professionnel, mais aussi au niveau de sa personnalité. Après, je pense que ça va venir à un moment donné. On voit déjà des artistes femmes qui montent bien et qui arrivent à générer des revenus avec leurs ventes NFT. Je pense qu’il faut un peu de temps pour que les choses se mettent en place et que les femmes se sentent plus à l’aise avec ça. Cela dit, je pense que ça doit venir des femmes plus que de l’extérieur, de ce qu’elles ressentent et de ce qu’elles ont envie de changer. C’est elles, à un moment donné, qui auront un déclic […].

Je rajouterais également que dans le monde physique de l’art traditionnel, il n’y a pas vraiment de mise en collaboration sur un projet. Il ne s’agit en tout pas de quelque chose d’inné. Alors que chez les artistes youtubeurs, par exemple, il y a beaucoup plus cette intégration de projets et d’avancer ensemble, et je retrouve exactement la même chose dans le monde crypto, et c’est assez spontanné, ce qui est assez plaisant. J’ai ce reproche au monde physique, où je vois que les artistes sont chacuns dans leur coin et ne se fréquentent pas.

Dans le monde de la crypto, il a beaucoup de projets qui se mettent en place, des gens qui ont des idées et qui essaient de les développer. C’est assez riche, car chacun bénéficie aussi de la communauté de l’un et de l’autre, et c’est aussi comme ça qu’on étend sa visibilité et sa notoriété. Je trouve que c’est une lacune dans le monde traditionnel que de ne pas le faire.

BiC : Pour terminer, y a-t-il des projets au sein du secteur qui vous enthousiasment particulièrement pour l’année 2022 ?

Amylee : Ce qu’on aimerait faire avec mon mari Gilles et d’autres personnes en Auvergne (ou nous sommes basés), en plus de proposer une actualité NFT, serait de “décentraliser” Paris. Il y a des talents dans la région, mais tout se fait à Paris, donc on aimerait que d’autres régions qui font des NFT se regroupent pour un événement, une soirée ou un weekend. On réfléchit actuellement à ça pour proposer quelque chose en Auvergne, qui soit en rapport avec les NFT, les artistes, la crypto, et pourquoi pas faire venir des gens de toute la France.

On aimerait que ça sorte un peu de Paris de temps en temps, car pour l’instant on ne voit que des grandes villes où tout se passe, sauf qu’il y a des talents éparpillés dans toute la France. On a donc ce projet d’essayer de “régionaliser” les NFT.

écrans NFT

J’aimerais aussi faire quelque chose de collaboratif avec d’autres artistes, pourquoi pas une exposition avec un partenariat autour des écrans digitaux, par exemple, qui permettrait à des artistes NFT de proposer leurs œuvres lors d’un événement, et pour que les gens puissent les voir sur des écrans digitaux. C’est quelque chose qu’on aimerait développer, car je pense que le public qui n’est pas du monde de la blockchain a besoin aussi d’être formé et de comprendre un peu comment ça fonctionne. En amenant les NFT dans le monde physique, grâce à des écrans digitaux, on pourrait les faire se “rencontrer” les uns et les autres. Il y a bien sûr les métavers qui sont en train de se développer, mais je pense qu’il y a avant cela une étape intermédiaire, et qui est de faire comprendre au public plus novice ce qu’est un NFT, comment on peut l’acheter, l’exposer… il verrait tout cela lors d’un événement.

Ce serait bien de faire une exposition qui tourne dans toute la France, un peu comme les gens qui font du spectacle, finalement, avec plusieurs dates dans tout le pays. Ce serait drôle de trouver plusieurs artistes qui circulent tout autour de la France avec des dates précises et qu’on peut retrouver dans des lieux précis. Cela permettrait aussi d’éduquer, de comprendre un peu comment ça fonctionne, de s’y intéresser un minimum.

Si j’avais à développer ce genre de projet, j’y amènerais à la fois le monde crypto pur et dur avec des œuvres un peu plus hermétiques pour un public lambda, mais aussi des artistes traditionnels qui créent sur un nouveau support – la blockchain – et montrer qu’il y a également ce passage qui s’opère. Cela rassurerait les gens, de voir qu’il n’y a pas que des choses hermétiques ou vraiment technologiques, et qu’on vraiment faire l’un et l’autre ; partir de l’art traditionnel et le montrer sous forme numérique.

Cliquez ici pour consulter notre entretien précédent avec Amylee et Gilles Thouvenin, artiste photographe.

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Célia Simon
Célia a poursuivi des études de langues ainsi que de traduction générale et juridique à l'Université de Bordeaux, l'Université de Tours et la Organización Mexicana de Traductores à Guadalajara au Mexique. Après avoir découvert le potentiel des cryptomonnaies en 2020, elle travaille actuellement en tant que rédactrice en chef pour BeInCrypto France. Membre de la Organización Mexicana de Traductores et traductrice assermentée de l'État de Jalisco.
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