Vitalik Buterin s’inquiète du potentiel dystopique de la cryptomonnaie, et selon Dominik Schiener, cofondateur et président de la Fondation IOTA, il a raison d’insister sur ce point.
De temps à autre, un important média grand public dépasse le stade de l’obligatoire “voici une brève introduction à la crypto” et se plonge dans cette culture (ou l’une de ses figures de proue) avec un certain sérieux journalistique. Ce mois-ci, Time a dressé un portrait de Vitalk Buterin, entrecoupant son interview de détails sur les frasques de l’ETHDenver.
Vitalik Buterin et les médias
Vitalik Buterin présente un profil de rêve, et pas en raison de la force de son CV crypto. Dans les médias, il incarne la nouvelle version du personnage de Mark Zuckerberg aux alentours de 2008. Il s’agit d’un petit génie dont la bonne idée l’a catapulté sous les feux de la rampe, ce qu’il n’a jamais recherché et ne semble pas particulièrement apprécier.
Ce n’est pas un artiste, et il est connu pour ses choix vestimentaires excentriques ; ses pantalons de pyjama duveteux sont traités avec la même perplexité que les sweats à capuche omniprésents de “Zuck”.
Tout cela ne semble en rien avoir eu un impact négatif sur la force d’adulation de ses adeptes, cela dit. “Toute ma valeur nette est entre les mains de cet homme”, a tweeté un participant d’ETHDenver en joignant une photo de lui en train de prendre la pose avec Buterin. Avec son bandeau et son badge de conférence, Vitalik y détourne le regard de l’objectif, et semble visiblement mal à l’aise.
Les médias grand public n’ont jamais su exactement comment aborder la cryptomonnaie, mais ils savent reconnaître un sujet dynamique (bien que réticent) quand ils en voient un. Le fait que Buterin passe la majorité de la chronique du TIME à faire part de ses doutes quant à l’avenir qu’il a ouvert y est aussi pour quelque chose.
Le développeur y exprime son désir de rendre Ethereum plus politique et “moins neutre”, en particulier à la suite de l’invasion russe en Ukraine. Vitalik Buterin compare notamment le vote par pièce à une ploutocratie. Il sait que la crypto est “en train de devenir un truc de droite”, ce qui pourrait être, au grand minimum, mauvais pour les affaires. M. Buterin en admet également le “potentiel dystopique”, ce à quoi l’auteur ajoute une liste de cas d’utilisation de la crypto portant ce caractère : évasion fiscale, pollution, blanchiment d’argent et un enrichissement toujours plus important des plus fortunés.
Vitaliks Buterin et les singes de Bored Apes
En d’autres termes, la perception publique de la crypto est en train de flancher. Et pourquoi ne serait-ce pas le cas ? Qu’est-ce que le téléspectateur moyen était censé retenir de l’échange sans âme et presque burlesque entre Paris Hilton et Jimmy Fallon avec leurs NFT Bored Apes respectifs ? Si la crypto est accueillie avec dérision par le public, c’est parce que cet espace a donné au public de nombreuses raisons de s’en méfier.
Nous pouvons discuter entre nous de la quantité de carbone émise par le minage Bitcoin, mais pour le commun des mortels, c’est sans importance. Ils nous voient comme des méchants de dessins animés, crachant du carbone pour rendre les riches encore plus riches, monter des arnaques et échapper aux impôts. Le reste, c’est du vent.
Et la liste continue…
Il suffit de jeter un coup d’œil à la section des commentaires de Line Goes Up, un cinglant documentaire YouTube long de deux heures au sujet des NFT. La vidéo a circulé dans les cercles technologiques, mais elle compte désormais 6,5 millions de vues. Tout est dit Aux yeux du public, les Bored Apes et tout le reste de notre bande sont les méchants, qui proposent des technologies défectueuses dans un système capitaliste défectueux à des personnes défectueuses. Et c’est bien là notre faute.
Nous avons laissé l’espace crypto et sa perception publique se faire accaparer par des éléments qui se sont avérés désastreux pour l’adoption par le grand public. Vitalik Buterin semble partager ce point de vue, déclarant au Time que le financement par la crypto du gouvernement ukrainien après l’invasion russe “a rappelé à beaucoup de gens de cet espace qu’en fin de compte, le but de la cryptomonnaie n’est pas de s’amuser avec des images de singes valant des millions de dollars”.
Il ne s’agit pas non plus de faire en sorte qu’Elon Musk vous remarque sur Twitter. Les personnes qui n’avaient jamais entendu parler de Dogecoin auparavant ont vite compris qu’il avait pris du plomb dans l’aile lors de l’apparition du PDG de Tesla au Saturday Night Live. Il y a des marchés volatils, et il y a cette intervention. Et il s’agissait là d’un coup direct.
Dans l’ensemble, les “memecoins” sont un désastre en termes de relations publiques pour les cryptomonnaies. Il s’agit de véhicules qui permettent aux traders professionnels de réaliser des profits élevés au détriment de ceux qui ne savent pas comment s’y prendre. Il est facile de se moquer de cette situation ; après tout, il s’agit d’un monde où les différents Doge se mangent entre eux ! Cela dit, la satisfaction à court terme n’en vaut peut-être pas le prix à long terme.
Nos scams crypto, notre responsabilité
L’ironie, peut-être, réside dans le fait que les scams, tout aussi peu attrayants, sont moins fréquents chez les memecoins qu’ils ne le sont chez les cryptomonnaies qui prétendent disposer d’un véritable cas d’utilisation. Il est facile d’escroquer de parfaits débutants en crypto avec l’apparence d’une feuille de route technique et d’une équipe DevOps, par exemple, pour ensuite leur tirer le tapis sous les pieds, en retirer tout le capital et disparaître du jour au lendemain. Cela n’arrive pas avec les memecoins volatiles, mais des projets de pump-and-dump qui se font passer pour des entreprises plus sérieuses, destinées à cibler des investisseurs totalement nouveaux.
C’est pourquoi les régulateurs gouvernementaux sont sur nos talons. Nous savons que nous pouvons nous retrouver exclus de pays entiers. La Chine l’a prouvé. Ici, dans le monde occidental, le Canada s’est considérablement efforcé d’y parvenir lors du convoi de camionneurs. On se met une cible dans le dos, et on fait comme si de rien n’était. Est-ce pour cela que nous avons abandonné les prémisses de la crypto qui améliorent véritablement la société et sont à la limite de l’utopie ? Pour railler en écrivant “FUD” sur Twitter, faire du trading de singes et arnaquer des gens sans méfiance parce que, pour une quelconque raison tordue, ils sont censés le mériter ?
Au lieu de ramener les nouveaux venus dans notre giron, nous les faisons fuir. Ce n’est pas seulement un désastre de relations publiques : il s’agit d’une atteinte à l’avenir de la crypto, et l’appel vient de l’intérieur même de la communauté.
Torpiller l’adoption générale et notre perception publique par orgeuil n’est pas une façon viable d’avancer. Vitalik Buterin a raison. Nous devons nous ressaisir.
À propos de l’auteur
Dominik Schiener est le cofondateur et le président de la Fondation IOTA, l’un des écosystèmes crypto les plus importants et les plus écologiques au monde. La Fondation IOTA a pour mission de soutenir la recherche et le développement de nouvelles technologies de registres distribués (DLT), dont le Tangle IOTA. Originaire d’Italie, Dominik supervise les partenariats et la réalisation globale de la vision du projet vers l’économie des machines. Il est un fervent défenseur des développements transparents, fondés sur la recherche et contrôlés par la communauté au sein du secteur des cryptomonnaies.
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