Les dernières restrictions européennes concernant les cryptomonnaies n’en finit pas de faire trembler la crypto sphère. Lors du Paris Blockchain Week Summit, quatre experts se sont réunis pour faire un tour d’horizon de la question. Sans surprise, les nouvelles sont majoritairement mauvaises pour le secteur.
Une véritable méconnaissance de la crypto sphère
Pour Biba Homsy, avocate de la firme Homsy, Hedi Navazan, responsable de la conformité chez Crystal Blockchain, Simon Douyer, co-fondateur de SheeldMarket et Robert Spicer, directeur commercial chez Scorechain, le verdict est sans appel. Les régulations appliquées aux cryptomonnaies de par le monde témoignent d’une véritable méconnaissance de la part des organisations, voire même d’une certaine crainte.
Afin de régler ce problème, les trois experts entrevoient une seule solution : engager le dialogue pour réécrire les régulations sur de bonnes bases car, en l’état, celles-ci sont difficilement applicables par les entreprises. Si elles souhaitent que tous les acteurs de l’industrie puissent s’y plier, les régulations doivent englober l’ensemble des services proposés par la crypto sphère, en prenant en compte la technologie qui les accompagne, afin de conserver la sécurité de la blockchain. Il y a donc beaucoup de travail à effectuer pour pouvoir donner un cadre juridique aux monnaies décentralisées.
Une régulation harmonieuse mais potentiellement néfaste pour le secteur
Biba Homsy signale que, dans une note plus positive, la régulation de l’Union Européenne permettra enfin de mettre tous ses Etats membres sur un pied d’égalité. Alors que les acteurs de l’industrie avaient jusqu’ici du mal à gérer les régulations de chaque pays de manière individuelle, ils vont pouvoir se référer à un seul et unique texte. Les pays concernés par la loi seront tous soumis au même régime et pourront, par exemple, transférer de la cryptomonnaie plus facilement. Cependant, la loi MiCa, avec tous ses inconvénients, pourrait rendre l’Union Européenne moins attractive et ainsi l’isoler des autres institutions.
De même, les régulations mettent beaucoup de temps à se mettre en place, tandis que la technologie autour des cryptomonnaies évolue constamment. Dans son état actuel, la loi MiCa demande aux entreprises de s’adapter au texte et non l’inverse. Chaque technologie ou entreprise crypto qui verra le jour dans l’Union Européenne devra donc s’y soumettre, empêchant le développement de progrès qui pourraient s’avérer tout à fait novateurs dans la blockchain.
Là encore, un dialogue entre les régulateurs et les acteurs de l’industrie pourrait permettre à la crypto sphère de ne pas être freinée plus qu’elle ne l’est déjà.
Les sites d’échange se préparent au traçage de leurs utilisateurs
Sommés de fournir l’identité de leurs utilisateurs à chaque transaction, les sites d’échange crypto se préparent à une véritable tempête au sein de leur organisation. Il faudra demander à chaque personne ouvrant un compte de décliner son identité et surveiller chaque mouvement dans les portefeuilles hébergés. Néanmoins, aucun outil ne leur est donné pour les aider dans leur tâche, et la régulation reste floue quant à ce qu’ils peuvent se permettre ou non de déployer.
Selon Hedi Navazan, qui a auparavant évolué dans le secteur de la finance, de telles régulations avaient déjà fait des remous au sein de la sphère bancaire, sans avoir pu bénéficier d’allègement par la suite.
En 2007 et 2008 et suite à la crise économique en général, la conformité est devenue un véritable souci pour les banques. Pour certaines, le terme était tout à fait nouveau ! Mais la conformité a été poussée trop loin et les régulateurs exigeaient de plus en plus de surveillance. Il fallait même se renseigner sur les fréquentations professionnelles du client ! C’était beaucoup de travail et, comme le monde de la cryptomonnaie est encore jeune, il est peut-être trop tôt pour exiger cela. En termes de temps, de coût et de conséquences, les sites d’échange n’ont pas les capacités de retracer les destinataires et les expéditeurs des transactions.
Hedi Navazan lors de la conférence au Paris Blockchain Week Summit
Ce problème témoigne de la vision très cartésienne des régulateurs, qui voient encore les cryptomonnaies comme des actifs que l’on pourrait gérer comme de la monnaie fiduciaire. Les règles proposées par la loi MiCa, par exemple, appliquent des principes bancaires à un système décentralisé, présentant plusieurs contradictions qu’il faudra éclaircir par la suite.
Enfin, le nombre de clients à surveiller représente également une source d’inquiétude pour les acteurs du secteur qui pourraient, par conséquent, effectuer un tri parmi leurs utilisateurs. Les portefeuilles crypto non hébergés, qui doivent faire l’objet d’une attention toute particulière, pourraient donc être évincés par les sites d’échanges. Leurs détenteurs ne pourraient donc pas échanger leurs monnaies numériques, tandis que les sociétés perdraient de précieux usagers.
L’Europe, encore inégale face aux cryptomonnaies
Les différents Etats membres de l’Union Européenne partagent des visions très distinctes de la cryptomonnaie. Ainsi, l’Estonie était initialement considéré comme un pays très favorable à la crypto, avant de devoir adopter une loi très sévère visant à freiner le blanchiment d’argent. Cette décision a eu pour effet de chasser les acteurs du secteur hors du pays.
Malheureusement, selon Hedi Navazan, aucun pays membre de l’Union Européenne ne peut être considéré comme un pays vraiment favorable pour l’industrie. Le Royaume-Uni, depuis le Brexit, semble être le meilleur endroit pour développer le secteur, en particulier depuis que l’Angleterre s’intéresse aux NFT. Avec la loi MiCa, les sociétés déjà basées en Europe pourraient être tentées d’y déménager, au détriment de leurs utilisateurs. Néanmoins, pour Robert Spicer, ce serait une très mauvaise idée.
Il faut parfois des années pour faire changer un texte de loi. Néanmoins, les régulations en vigueur au Royaume-Uni et au sein de l’Union Européenne sont encore très jeunes. Ce qui peut s’avérer avantageux sur le papier peut devenir défavorable en réalité et certaines modalités peuvent être améliorées par la suite. Il est plus simple, pour les entreprises, d’attendre une première étude de la situation et d’éventuels changements avant de s’expatrier.
Robert Spicer lors de la conférence au Paris Blockchain Week Summit
Pour Simon Douyer, l’Europe ne sera jamais vraiment favorable aux cryptomonnaies puisqu’elle est déjà concurrencée de façon avantageuse par la Chine. Alors qu’en 2022, l’Union Européenne considère la blockchain comme une véritable peste, l’Empire du Milieu a déjà ouvert les bras depuis des années aux entrepreneurs et sociétés du secteur- dès lors qu’elles traitent de la blockchain et non des monnaies numériques. Certaines entreprises pourraient donc s’expatrier en Asie, laissant l’Europe définitivement sur le banc de touche.
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