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Spécial Halloween: et si Peter Thiel était l’Antéchrist annoncé par Peter Thiel ?

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Mis à jour par
Célia Simon

21 octobre 2025 09:00 CET
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L’Apocalypse parle de Bête, de marque et d’un pouvoir qui prétend acheter et vendre en contrôlant les foules. Et si l’on passait la figure de Peter Thiel — investisseur iconique, philosophe de garage, pourfendeur de l’État administratif — au crible de ce bestiaire symbolique ? Surtout depuis que l’intéressé lui-même a multiplié des conférences mêlant eschatologie et politique techno, évoquant « l’Antéchrist » pour qualifier les menaces qui, selon lui, naissent d’une bureaucratie régulatrice.

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Indice n°1: « La Bête qui compte et classe » ou Palantir et le fantasme du panoptique

Dans l’imaginaire apocalyptique, la Bête sait tout, croise les registres, et tranche qui est « dedans » ou « dehors ». Difficile de ne pas penser à Palantir, l’entreprise cofondée par Thiel, dont les logiciels agrègent et analysent des masses de données publiques et sensibles pour des agences et des entreprises. Ses détracteurs la soupçonnent de centraliser des informations civiles à une échelle inquiétante ; l’entreprise rétorque qu’elle fournit des outils, pas un « œil de Dieu ». Quoi qu’il en soit, le débat récurrent — des impôts à l’immigration (ICE) — nourrit l’image d’une intelligence de surveillance qui frôle le mythe biblique par son ambition de tout relier pour séparer les armées du Christ de celles de Satan.

Dans l’Apocalypse, la marque permet d’acheter et de vendre ; dans la vie réelle, ce sont des tableaux de bord qui autorisent ou bloquent des flux : prestations sociales, visas, contrats, risques. La prophétie, ici, n’est pas « vraie » : elle est utile pour questionner la gouvernance de ces plateformes qui, de fait, hiérarchisent nos destins.

Indice n°2: « Le Prophète des monnaies de réseau », crypto, Ethereum et l’anti-régulation

À Rome, la puissance s’inscrivait sur la monnaie. Aujourd’hui, elle s’inscrit dans les réseaux. Thiel — via Founders Fund — a misé des centaines de millions dans les cryptos, bitcoin et ether en tête, et a été associé à des mouvements pro-Ethereum en 2025 (prises de participation et relais d’investisseurs). Rien d’occultiste là-dedans : c’est du capital-risque. Mais à l’échelle du mythe, cela ressemble à une alternative monétaire portée par une élite de développeurs et d’investisseurs. Quand, dans le même souffle, Thiel pourfend la régulation de l’IA et des innovations au nom d’un risque « quasi religieux » d’Antéchrist bureaucratique, la fable s’écrit toute seule : qui « marque » qui — l’État, ou la blockchain ?

Rappel utile pour garder les pieds sur terre : dans la théologie, la « marque de la Bête » n’est pas un simple gadget fintech ; elle relève d’une allégeance totale. Les exégètes sérieux rappellent qu’aucune micropuce ni aucun wallet ne suffit à cocher cette case… mais la métaphore reste puissante pour interroger les effets de réseaux et les dépendances qu’ils créent.

Indice n°3: « Le refuge au bout du monde », la Nouvelle-Zélande comme arche

Qu’est-ce qu’un Antéchrist moderne sans sa forteresse hors du monde ? Les reportages ont documenté la citoyenneté néo-zélandaise obtenue par Thiel et l’achat d’un vaste domaine au bord du lac Wānaka ; symbole, à tort ou à raison, d’un réflexe survivaliste partagé par une partie des ultra-riches de la tech. Ici encore, nul complot : juste l’image d’un abri dans un pays stable, loin des tempêtes. L’Apocalypse y verrait une contre-cité ; la sociologie, un arbitrage patrimonial. Les deux lectures nourrissent la légende.

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Indice n°4: « Le sang des jeunes », parabiose, fantasmes et démentis

La rumeur a fait florès : Thiel s’intéresserait aux transfusions de plasma « jeune » pour retarder le vieillissement. Titres chocs, imaginaires vampires… puis démentis et mises au point : la société Ambrosia a bien existé, la science est très contestée, et TechCrunch a publié noir sur blanc qu’aucune relation patient/Thiel n’était avérée. Ici, l’Apocalypse nous renseigne moins sur Thiel que sur notre époque : dès que le sang entre dans le récit, la machine symbolique s’emballe. Prudence : on parle d’infos fragiles, de science non probante et de fantasmes faciles.

Indice n°5: « Contre toute régulation », le verbe qui allume la mèche

Dans une série de conférences privées que la presse a exhumées, Thiel mêle théologie et politique, fustigeant la régulation — IA, climat, finance — comme un chemin vers la tyrannie et, parfois, comme le masque d’un Antéchrist moderne. On peut juger la thèse outrancière, mais elle existe — et rencontre un public. En miroir, certains observateurs retournent la parabole : et si l’Antéchrist n’était pas le Zéro-Risque administré, mais le Zéro-Règle érigeant les plates-formes en pouvoirs privés qui décident de la vérité, de l’accès et du prix ?

Alors ?

Est-ce que Peter Thiel est l’Antéchrist ? En tout cas, il dépense beaucoup d’énergie pour pointer son doigt vers d’autres candidats que lui-même. Le mot a un poids religieux et historique qu’il est malsain de banaliser comme il le fait. Mais jouer avec la grille apocalyptique permet de poser de vraies questions politiques :

  • Quand des systèmes d’analyse comme Palantir deviennent l’interface par laquelle l’État voit ses citoyens, qui contrôle la vue — et qui audite l’algorithme ?
  • Quand la finance de réseau (ETH, BTC) s’installe, qui tient la gouvernance et qui porte le risque de « marques » de facto (accès, listes, censures techniques) ?
  • Quand les ultra-riches se préparent une arche en Nouvelle-Zélande, que nous disent ces « plans B » sur la confiance qu’ils accordent au « plan A » collectif ?
  • Quand on convoque l’Antéchrist pour pourfendre la régulation, n’est-on pas en train de sacraliser l’irresponsabilité des acteurs privés — au risque de fabriquer la « Bête » qu’on prétend conjurer ?

La bonne manière de lire l’Apocalypse, disent les théologiens sérieux, n’est pas d’y démasquer des personnes, mais d’y reconnaître des logiques de pouvoir. À ce titre, Peter Thiel est moins un démon qu’un symptôme : celui d’un capitalisme de plateformes qui aime se raconter comme un sauvetage, et que d’autres vivent comme un déplacement de souveraineté. Si nous cherchons un Antéchrist, trouvons-le là où il est : dans l’idée qu’un tableau de bord vaut une constitution, qu’un smart contract remplace un contrat social, et qu’un bunker privé suffit à tenir lieu de bien commun.

L’Apocalypse ne nous demande pas de désigner un coupable ; elle nous intime de discerner les esprits. Le test est simple : plus un système voit sans être vu, marque sans être élu, sauve les siens et laisse le reste dehors, plus il mérite notre soupçon. Le reste appartient aux faits, aux audits — et, espérons-le, à un débat qui préfère la vérification aux dénonciations.

La morale de l’histoire : C’est sûr, il fait flipper ce gars.

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