En 2025, alors que le Bitcoin continue de fasciner, de diviser et de structurer l’économie numérique mondiale, un regard rétrospectif vers les figures fondatrices de la science et de l’économie peut sembler incongru — et pourtant… Parmi elles, Sir Isaac Newton (1643–1727) occupe une place à part.
Célèbre pour ses lois de la gravitation universelle et son rôle majeur dans la révolution scientifique, Newton fut aussi l’un des tout premiers penseurs de la monnaie moderne, à la fois comme scientifique, alchimiste… et haut fonctionnaire de la Monnaie royale.
Et si le père de la mécanique classique avait, sans le savoir, anticipé les grands principes fondateurs des cryptomonnaies ?
SponsoredNewton à la Monnaie : l’homme qui sauva la livre sterling
Peu de gens le savent, mais Newton a été maître de la Monnaie royale d’Angleterre à partir de 1696, un poste qu’il prit très au sérieux. À cette époque, l’économie britannique souffrait d’une monnaie rongée par la contrefaçon, le rognage des pièces et une perte de confiance générale dans la livre sterling. Le système était basé sur la monnaie métallique, essentiellement en argent, ce qui posait des problèmes de stabilité monétaire et de spéculation sur les métaux.
Newton a supervisé la “Great Recoinage”, une réforme majeure qui consistait à retirer les pièces anciennes et usées de la circulation pour les remplacer par de nouvelles pièces aux caractéristiques plus fiables. Il fit aussi fixer la parité or/argent à un taux qui, par inadvertance, favorisa l’étalon-or au détriment de l’argent. Ce choix eut des conséquences durables sur le système monétaire mondial.
Il ne s’agissait pas simplement de frapper de nouvelles pièces : Newton mit en place des protocoles de vérification, des méthodes d’authentification rigoureuses, et un système qui vise à garantir la rareté, l’intégrité et la valeur d’une monnaie.
Cela ne vous rappelle rien ? Blockchain. Proof of Work. Rareté. Intégrité. Confiance décentralisée.
Parallèle 1 : Bitcoin et la quête de la rareté
Le Bitcoin repose sur une idée simple mais révolutionnaire : une monnaie numérique décentralisée et rare, limitée à 21 millions d’unités, dont la création obéit à des règles mathématiques fixes. En somme, une version numérique de l’or, ou plutôt, de ce que Newton voulait que la monnaie soit : prévisible, difficile à falsifier, et universellement acceptée.
En tentant de corriger les abus liés à l’argent rogné ou dévalué, Newton a défendu une monnaie fondée sur la physique et les mathématiques, plutôt que sur la politique. C’est aussi le cœur de la philosophie Bitcoin, qui entend se soustraire aux manipulations des banques centrales.
Une citation qui dit tout:
“Money is not invented by government. It is discovered.” [L’argent n’est pas inventé par le gouvernement. Il est découvert.] – idée très bitcoinienne, souvent prêtée à Friedrich Hayek, mais dont les racines peuvent être retracées jusque dans les pratiques monétaires de Newton.
Sponsored SponsoredParallèle 2 : Cryptographie vs Gravité
Newton inventa le calcul infinitésimal, formalisa la mécanique céleste, et mit au point des systèmes d’équations déterministes pour décrire le monde. Ce niveau de rigueur est le même que celui mobilisé dans les algorithmes cryptographiques à la base du Bitcoin : SHA-256, courbes elliptiques, horodatages inviolables…
Le monde des blockchains est, à sa manière, newtonien : un espace où chaque transaction obéit à des règles fixes, où la traçabilité est absolue, et où aucune entité unique ne peut modifier les lois du système.
Parallèle 3 : Newton et l’incorruptibilité du système
La position de Newton à la Monnaie royale lui permit d’observer les failles humaines du système financier. Il traqua personnellement les faux-monnayeurs, y compris le célèbre William Chaloner, qu’il fit condamner à mort. Newton s’opposa ainsi à toute forme de corruption du système monétaire.
De même, le Bitcoin repose sur une infrastructure résistante à la falsification : les chaînes de blocs sont immuables, chaque nœud vérifie l’intégrité du tout, et aucune autorité centrale ne peut manipuler les règles pour son propre bénéfice.
Newton aurait probablement apprécié la robustesse du protocole Bitcoin, à défaut d’en comprendre les détails techniques.
Parallèle 4 : De l’étalon-or à l’étalon-code
Newton fut un pionnier du passage implicite de l’étalon-argent à l’étalon-or. En fixant un taux favorable à l’or, il prépara le terrain pour deux siècles d’or comme fondement des systèmes monétaires. De même, le Bitcoin est souvent présenté comme l’or numérique, un standard de valeur décentralisé que certains pays envisagent déjà comme réserve stratégique (comme le Salvador).
SponsoredAujourd’hui, des économistes et investisseurs comme Michael Saylor (Strategy) ou des États comme la Russie ou l’Iran envisagent une économie adossée à des réserves de Bitcoin, comme au temps du standard-or. En ce sens, Newton aurait pu voir dans le Bitcoin l’étalon ultime : incorruptible, intangible, infalsifiable.
Parallèle 5 : L’alchimie comme ancêtre des tokens ?
Il ne faut pas oublier que Newton passa plus de temps à faire de l’alchimie qu’à écrire la Principia Mathematica. Il croyait possible de transmuter les métaux, de révéler des vérités cachées dans la matière et l’univers. Or, dans un sens moderne, la tokenisation numérique des actifs est une forme de transmutation : on convertit de la valeur réelle en unités abstraites échangeables dans un monde parallèle – la blockchain.
Le NFT, le token, le smart contract sont des formes modernes de ce rêve ancien : manipuler la valeur sans passer par les contraintes de la matière.
Newton aurait sans doute trouvé ce pouvoir fascinant.
Tableau comparatif
Élément | Newton (XVIIe s.) | Bitcoin (XXIe s.) |
Support de la monnaie | Métaux précieux (or/argent) | Code numérique |
Garant de la valeur | Monnaie royale, ratio or/argent | Hash cryptographique, réseau décentralisé |
Objectif | Rareté, confiance, stabilité | Rareté, décentralisation, résilience |
Ennemis | Faux-monnayeurs, contrefaçon | Hackers, attaques 51%, inflation fiduciaire |
Contrôle | Centralisé (Crown, Mint) | Décentralisé (blockchain, miners) |
Traçabilité | Limitée | Totale (ledger public) |
Philosophie | Loi naturelle, ordre universel | Code is law, trustless system |
Les limites de l’analogie
Bien sûr, Newton ne pouvait pas prévoir le Bitcoin : les ordinateurs, les réseaux P2P et les algorithmes cryptographiques sont postérieurs de plusieurs siècles. Mais ce qu’il a cherché à bâtir – une monnaie stable, fondée sur des règles fixes et une gouvernance mathématique – reste au cœur de la philosophie Bitcoin.
Il croyait à un monde régi par des lois naturelles, qu’il fallait découvrir, et non inventer. Bitcoin, à sa manière, propose un système de règles « naturelles » pour une monnaie apolitique.
Et si Newton avait eu accès à la blockchain ?
On peut imaginer Newton créant une blockchain pour valider les transactions de la Monnaie royale, y inscrivant à jamais la preuve de la légitimité des pièces frappées, calculant la gravité des flux économiques avec la même rigueur que celle des corps célestes.
Son obsession pour l’ordre, la preuve, la rigueur et la vérifiabilité en aurait fait un “core developer” de choix dans une DAO moderne.
Newton, père (involontaire) du Bitcoin ?
Dire qu’Isaac Newton a “prévu” le Bitcoin serait sans doute un abus. Mais il est clair que son action à la tête de la Monnaie royale, sa quête de transparence monétaire, son attachement à la rigueur des systèmes clos, et même son goût pour l’ésotérisme alchimique en font un précurseur intellectuel involontaire des cryptomonnaies modernes.
Newton croyait à un monde régi par des lois fixes, que l’on pouvait découvrir par l’observation, l’expérimentation et la raison. En cela, il était plus proche du cypherpunk que du banquier. Si le Bitcoin est une équation sociale et économique, Newton aurait sûrement essayé de la résoudre.
La morale de l’histoire: Ne tenez pour certain que ce qui est démontré.