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“L’adoption de la blockchain et des NFT passera par leur utilité au quotidien” : interview avec le fondateur de TokenToMe

10 mins
Mis à jour par Célia Simon
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EN BREF

  • "Dans le monde de l'art, ce qui est aussi important que l’authenticité, c'est de connaître le cheminement d'un l’objet ; par qui ça a été fabriqué, par qui ça a été vendu, pour combien."
  • "Les NFT donnent un pouvoir unique à la digitalisation via un protocole sécurisé et décentralisé, c'est ce qui les rend intéressants à mes yeux."
  • Les NFT présentent de nombreux avantages pour les artistes ; chaque revente d'une NFT peut faire gagner un pourcentage de sa revente à son créateur.
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Nous avons interviewé le fondateur de TokenToMe, Romain Verlomme-Fried. TokenToMe est une société française faisant de la promotion, de la production de NFT artistiques mais aussi de l’accompagnement pour des artistes ou des institutions culturelles qui voudraient se tourner vers la digitalisation de leur environnement.

BIC : Qui êtes-vous et comment décririez-vous votre expérience dans l’industrie ou comment décririez-vous votre place dans l’industrie ?

Romain : Je suis à la base commissaire-priseur en France, c’est à dire que j’organise des ventes aux enchères d’objets mobiliers : art classique, art Asiatique, bijoux, montres, voitures… Je suis venu assez tardivement dans l’écosystème crypto, car je travaillais avec des amis sur la manière de produire de la traçabilité pour les objets en vente.

Dans le monde de l’art, ce qui est aussi important que l’authenticité, c’est de connaître le cheminement de l’objet, par qui il a été fabriqué, par qui il a été vendu, pour combien… tout le processus de transmission d’une œuvre, que cela soit un tableau, une sculpture, voiture, un timbre ; tout objet peut se prêter à des questions de provenances.

On s’est intéressés au processus de transfert et notamment à la question de l’amélioration de la traçabilité des objets. Nous avons débuté, dans un premier temps, par le code barre, mais cela a été vite limité en termes de support et d’accessibilité. Ensuite est venue l’idée d’une version améliorée des QR code plus pratiques, adaptable et intuitifs, et puis nous en sommes venus à la blockchain, qui répondait à toutes nos questions et nos attentes.

De la blockchain aux NFT, il n’y avait qu’un pas, nous avons donc crée une structure d’accompagnement numérique pour les artistes et les structures culturelles. Être une force de proposition dans le marché de l’art et notamment des NFT pour renouveler le genre d’objet qu’on proposait en vente aux enchères est actuellement notre axe de travail.

BIC : TokenToMe, qu’est ce c’est ?

Romain : TokenToMe c’est tout d’abord un groupe d’amis qui ont commencé par chercher un nom un petit peu rigolo, un mot anglais parce que c’est toujours plus simple dans cette langue, dans le domaine où nous évoluons. Notre génération été inspiré par l’un des films culte de Martin Scorsese avec Robert de Niro, comme Taxi Driver (1976). Dans ce film, le personnage principal Travis Bickle dit « You’re talking to me ? » et on a fait une sorte de parallèle pour créer TokenToMe.

Notre société fait de la promotion, de la production de NFT artistiques mais aussi de l’accompagnement à la « transition numérique » pour des artistes ou des institutions culturelles qui voudraient se tourner vers la digitalisation de leur environnement. La raison de cette orientation prend sa source dans l’histoire toute proche : celle de la pandémie. En effet, nous avons tous été pendant des mois voire une année, confinés à la maison sans offre culturelle pour les uns, sans revenus de leur activité artistique pour d’autres.

Nous aidons donc les artistes à produire autrement, c’est-à-dire à montrer leurs travaux sur d’autres plateformes que celles physiques. Nous parlons ici de VR [réalité virtuelle] ou de metaverse ; nous guidons les institutions culturelles à accroître leur visibilité, à explorer d’autres univers, à trouver de nouvelles sources de financement.

Nous développons aujourd’hui la réalité augmentée, une plateforme de NFT en partenariat avec Ternoa, une équipe avec laquelle nous travaillons sur un superbe projet dont nous vous parlerons bientôt.

BIC : Quelle est la place selon vous qu’ont les NFT à présent dans la sphère française ainsi que dans la sphère internationale ?

Romain : La place, c’est un peu difficile à dire. Au regard de l’actualité grand public, on en a vraiment entendu parler au printemps 2021, donc ça fait 6-9 mois. C’est encore très récent.

Pour continuer avec les chiffres, en ce qui concerne le marché des ventes aux enchères à l’international, ce sont 20 milliards de dollars par an. En France, ce sont 2,5 milliards d’euros par an.

Cette manne financière est évidemment enviée. Ce nouvel engouement est issu de la pop culture, des collectionneurs baignés par des œuvres culte comme Goldorak, Pokémon, mais aussi le club Dorothée, avec Dragon Ball et Pokémon…

Les NFT, c’est d’abord une place médiatique importante. Ensuite une place financière ;cela représente plus de 10 milliards d’euros par mois. En France c’est anecdotique puisque pour le marché des ventes aux enchères publiques, c’est tout simplement interdit. La législation actuelle ne le permet pas et elle évolue très lentement. Le temps du numérique est différent du temps règlementaire. Pour résumer, en France, on ne peut vendre que ce qui est déplaçable ; c’est ce qu’on appelle les biens meubles corporels qui sont des objets que l’on peut déplacer physiquement. Il y a eu que quelques petites avancées contemporaines comme la vente d’action de société, d’un fonds de commerce, d’un nom de domaine ou plus récemment de Bitcoin saisi, mais pour l’art c’est pour l’instant plus compliqué.

Mais les NFT, ce n’est pas que de l’art digital, cest aussi et surtout un certificat d’authenticité qui peut servir pour la traçabilité des pièces aéronautiques. C’est ce qui pourrait servir à certifier un vaccin aussi.

La pierre angulaire de l’adoption de la blockchain et des NFT passera par leur utilité au quotidien.

BIC : Les NFT ont aussi une connotation négative, partagez-vous cet avis ?

Romain : Personnellement non, les gens ne me parlent de NFT que par passion. Cependant il se peut qu’il y ait des à prioris négatifs sur l’usage des cryptomonnaies parce que la croyance populaire fait état d’informations erronées sur l’utilisation des actifs numériques pour des activités criminelles ; par la mafia pour le trafic de drogue, pour le trafic d’enfants, d’organes et cetera. En réalité, c’est trois fois moins qu’avec des monnaies centralisées. Il est plus facile de critiquer quelque chose qu’on ne connaît pas plutôt que quelque chose que l’on comprend.

Pour revenir aux NFT, des photos numériques de pierres multicolore ont été vendu pour quelque chose comme 100 000 dollars, et cela n’a évidemment n’a aucun intérêt artistique. Cela peut paraître, dans ce cas précis, assez suspect en effet ; il y a eu d’ailleurs de nombreux articles de presse là-dessus sur ces fameux rocher, les Ethereum Rocks. La communauté s’est demandé si ce n’était pas un échange de monnaie un peu louche, mais mis à part ça je dirais que les NFT n’ont pas mauvaise réputation.

BIC : Comment les NFT pourrait aider les artistes indépendants ?

Romain : Cela peut les aider s’ils adaptent leurs travaux en 2 dimensions par exemple, en passant ensuite à la 3D. Dans le cas contraire il y a de fortes chances que cela ne marche pas. Il faut qu’ils aient conscience que collectionner des NFT est assez différent de ce qu’on connaît aujourd’hui sur le marché de l’art ; une peinture à l’huile sur toile ou une sculpture en bronze patiné, ce sont des choses fondamentalement différentes.

Donc non, les artistes ne vont pas faire fortune parce qu’ils mettent le jpeg de leur de leur tableau en NFT. C’est plutôt s’ils ont une démarche différente, c’est ce qu’on essaie de leur faire comprendre avec notre société TokenToMe : il faut qu’ils aient une approche différente. Par exemple, Christophe Keip est un photographe qui se spécialise dans la photographie « traditionnelle »; et c’est un peu compliqué de lui demander de faire des photos animées. Nous avons donc ajouté ce qui n’existe pas dans des photos figées : des sons, des ambiances sonores, une réalité augmentée. Actuellement on travaille avec une autre artiste dont on a fait virtualiser le tableau, et avec une caméra 3D, on arrive à plonger dans le tableau.

C’est aussi un nouveau moyen de rémunération, parce qu’ils ont accès à de nouvelles plateformes, de nouveaux canaux de diffusion, de nouveaux réseaux sur des super plateformes telles que OpenSea et Solana. Pour un artiste c’est comme s’il pouvait proposer dans les meilleures galeries du monde ces œuvres.

De plus, dans le contrat intelligent d’un NFT, on peut insérer une ligne disant qu’à chaque revente de ce NFT, il peut toucher un pourcentage de sa revente, permettant compenser l’absence de reconnaissance.

BIC : Est-ce que selon vous les NFT servent à l’art, ou c’est un concept qui se prétend être artistique ?

Romain : La réponse se trouve dans l’architecture de la blockchain. Je m’explique : j’ai récemment acheté un NFT d’un artiste. J’aurais très bien pu faire un copier-coller et l’avoir sur mon téléphone comme si je l’avais acheté, il n’y aurait personne pour me demander si je l’ai effectivement payé.

Et si ce jpeg (car un NFT n’est pas une œuvre d’art mais seulement son certificat, pour faire simple) que j’ai enregistré sur mon téléphone, je le mets sur la blockchain en disant que c’est moi le créateur ou le propriétaire ; si personne ne le fait avant, cela va être difficile ou impossible de prouver que je ne suis pas son propriétaire.

Quelle est donc l’importance ? La provenance et son corollaire la traçabilité, c’est effectivement ce à quoi répond aujourd’hui la blockchain et les NFT. J’ai entendu un reportage d’une jeune femme qui avait acheté un NFT du fameux Tondi Dino de Michel-Ange (conservé au Musée des offices à Florence) pour 150 000 dollars.

Pour moi, c’est une question de génération, car cette jeune fille qui a acheté ce NFT, et qui est propriétaire de l’unique copie numérique certifiée par un token non fongible, aurait très bien pu aller dans le musée prendre la photo avec son téléphone, ou copier-coller cette image sur internet et elle aurait vu la même chose que sur son téléphone. Actuellement, c’est vrai pour certains pas tout à fait pour elle.

Elle explique que sa génération vit avec la dématérialisation à chaque instant. La numérisation, les smartphones, les tablettes et aujourd’hui les collections virtuelles, les visites, les communications cryptées, les photos en réalité augmentée ; tout est digitalisé.

Et donner un pouvoir unique à cette digitalisation au travers d’un protocole sécurisé et décentralisé est ce qui la rend intéressante à mes yeux.

BIC : Comment s’est passé votre exposition avec la maison Rossini et l’artiste Christophe Keip, en quoi cela a consisté ?

Romain : Christophe a exposé ses photos entre le mois de juin et le mois de septembre de cette année, avec son travail de photographie de gens qui crient : « 521 cries à la face du confinement ». Il l’a entamée au début de la pandémie : des personnes anonymes sont venus dans son studio, à Aix en Provence, via un appel sur les réseaux et c’est devenu viral. Se défouler, crier, exprimer par de la joie ou de la tristesse ses émotions face à l’objectif… c’était sur le ton de la blague au début mais en fait, il y a pas mal de gens, de toute la France. Il a même dû mettre en place un protocole pour encadrer ces « hurleurs ».

Ça a donné lieu à une série de photos d’une grande puissance, relayées par les journaux locaux, puis nationaux, puis la ville d’Aix-en-Provence l’a invité à exposer dans l’une de ses plus grandes galeries. Nous sommes arrivés à la fin de l’exposition pour faire perdurer l’accrochage, rendre l’exposition plus vivante, sonorisée… J’ai dit à Christophe : “on essaie de faire vivre ça et de continuer l’exposition à travers un monde virtuel !” On a donc adjoint à ses photographies (imprimées à la base) une bande son (les cris notamment) et projeté son travail dans un univers dématérialisé en créant une galerie virtuelle de NFT.

Au mois de novembre à Paris, il y a l’un des plus grands salons consacrés à la photographie, « Paris photo », et qui tous les ans fait venir les meilleures galeries spécialisées en photographies. L’idée était venue de consacrer une vente aux enchères lors de cet évènement.

La législation ne nous permettant pas de réaliser une vente de NFT « autonome », nous avons accompagné le token non fongible d’un support physique (ou inversement ;-)). Cela nous a permis d’obtenir l’autorisation de proposer, en conformité avec la loi actuelle, des NFT sur le marché de l’art mais également plus que ça : d’introduire un mouvement de réflexion, au sein de la profession, sur qu’est un NFT, pourquoi on avait le droit (ou pas selon les cas) de le vendre, comment gérer la propriété, le transfert, le paiement… autant de questions réglementaires que nous étudions avec le régulateur afin de créer un environnement favorable à l’adoption de crypto-actifs ou au moins du crypto-art dans les semaines ou mois qui arrivent.

Avec les acteurs du marché, nous produisons un livre blanc consacré à cette question et une série de colloques et tables rondes, prévus pour le premier trimestre 2022. Nos partenaires de réflexions actuels sont le Conseil des Ventes Volontaires, Blockchain@hec, mais aussi des acteurs politiques, institutionnels voire privés, qui nous accompagnent dans cette stratégie de reconnaissance de ce « nouvel » écosystème.

BIC : Quel pourrait être l’utilité des NFT à l’avenir ?

Romain : C’est l’utilité qu’on voudra lui donner (ou lui reconnaître). C’est à dire que le NFT comme la blockchain ou les cryptomonnaies sont créés (en principe) au sein d’un écosystème qui répond à un besoin. Ce n’est pas créé juste pour créer une valeur échangeable (si on met de côté les shitcoins).

On pourrait citer Band Protocol : c’est un Oracle qui répond à des questions de transmission d’informations entre le monde réel et un smart contract. Par exemple, entre les informations aériennes qui sont transmises dans une blockchain et qui servirait dans le cadre d’indemnisation de retards.

Le déclenchement de l’information serait inséré dans le contrat intelligent ; ainsi, en cas de retard aérien, il y aurait une indemnisation immédiate et automatique sans prendre la peine d’écrire un mail au service client ! Cela répond à un besoin d’efficience et de rapidité entraînant de facto la disparition d’un tiers de confiance. Je ne vois pas de domaine dans lequel les NFT seraient inutiles.

BIC : Quentin Tarantino avait proposé quelques extraits de son film de Pulp fiction en tant que NFT. Qu’en pensez vous ?

Romain : J’ai entendu cette information. Cela concerne les « rush », c’est-à-dire les scènes non retenues pour la version présentée au public de 1994, et cela m’a fait penser qu’avant, quand vous achetiez un DVD, vous aviez un bonus, avec des scènes de fou rire, une dédicace spéciale, un t-shirt, un poster, ou des chansons bonus pour un CD. Nous revenons sur une espèce de goodies [objets publicitaires ayant un but promotionnel].

En mettant les séquences de films inédites ou des bonus en NFT, le réalisateur entend donner une valeur nouvelle (dans l’ère du temps et assez lucrative bien entendu) à son travail. Quentin Tarantino s’est d’ailleurs attiré les foudres du studio qui a produit le film… La bataille judiciaire ne fait que commencer et il sera intéressant de voir ce que cela donne car ça fera un précédent, ce que l’on appelle en France une Jurisprudence, et qui ne pourra pas être utilisée dans notre système tel quel dans notre corpus juridique.

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Soilihi Dhoulkifli
Depuis 2017, Dhoulkifli se spécialise dans l'analyse de crypto-projets, notamment les ICO. Il a travaillé pour plusieurs acteurs privés et publics en tant qu'analyste, médiateur, rédacteur et chercheur.
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