Robert Whitehead, cofondateur de Improbable, est un des pionniers de la technologie des métavers et des simulations à grande échelle. Sa société, Improbable, spécialisée dans le développement de plateformes permettant des mondes virtuels massivement scalables, est au cœur des conversations sur l’avenir des jeux en ligne, de la défense et des infrastructures numériques.
Si vous ne connaissez pas Improbable, vous connaissez sûrement les jeux vidéos sur lesquels ils ont travaillé (Scavengers) les studios avec qui ils ont collaborés (Bossa Studios) et leur plateforme SpatialOS, finalement suivie de M2 (MSquared). Précurseurs des mondes numériques avant la “hype” du Metaverse, ils ont su s’imposer comme experts dans le domaine.
À travers cette interview exclusive, rendue possible grâce à notre rencontre lors de NFT Paris, nous plongeons dans l’esprit d’un des pères des mondes virtuels immersifs et de simulations complexes dont les idées pourraient redéfinir notre interaction avec ces environnements numériques.
Pouvez-vous commencer par nous donner un bref aperçu d’Improbable et de sa mission dans le contexte du metaverse ?
Improbable a été fondé sur l’amour des mondes virtuels, mais nous recherchions des expériences plus riches et plus satisfaisantes que celles qui existaient à l’époque. Nous avons donc passé plus d’une décennie à relever les défis liés à la création d’espaces en ligne à grande échelle capables de faire interagir plusieurs milliers de personnes.
Nous nous sommes d’abord concentrés sur les jeux, mais nous avons perçu une plus grande opportunité dans la façon dont ces expériences stupéfiantes pourraient transformer d’autres événements sociaux dans lesquels les gens se rassemblent : comme le sport, le divertissement, l’art et la musique.
C’est ce qui motive Improbable aujourd’hui : nous développons des technologies de metaverse révolutionnaires, nous concevons et élaborons des expériences de metaverse pour les marques, et nous lançons de nouvelles entreprises alimentées par notre technologie – tout cela dans le but de rassembler les gens pour leur faire vivre des expériences sans précédent.
Vous avez donc construit le Metaverse avant qu’il ne soit populairement appelé metaverse ; comment appréhendez-vous l’énorme hype de 2022 comparé à la critique actuelle de ce secteur ?
Oubliez les cycles de hype – le metaverse n’est pas prêt de disparaître. Bien sûr, il y a eu des réactions négatives – qui viendront ensuite pour l’IA – mais ces technologies convergent pour nous aider à construire un avenir virtuel plus riche. Le récent rapport “Scaling the Metaverse” de notre groupe de réflexion, The Metaverse Society, le confirme, en montrant des tendances à la hausse dans la maturation des technologies, la renaissance de la RV/XR, l’investissement, l’accessibilité et l’intérêt des marques.
Et n’oublions pas que de nombreuses personnes vivent des expériences de metaverse au quotidien sans même s’en rendre compte, notamment à travers des jeux tels que Roblox et Fortnite – elles n’utilisent tout simplement pas l’étiquette “metaverse”. Mais comme les préférences des jeunes générations en matière de médias penchent fortement vers l’interactif et l’UGC, l’adoption généralisée est inévitable.
Morpheus et M2 constituent une technologie et une plateforme révolutionnaires pour la création de vastes mondes virtuels. Comment fonctionnent-ils et en quoi sont-ils particulièrement adaptés à la création d’expériences metaverses ?
Morpheus représente notre technologie unique de moteur à haute densité, qui permet à des dizaines de milliers de personnes de se trouver dans le même espace virtuel – et il n’existe rien de comparable. Les jeux traditionnels ont du mal à y parvenir, mais les expériences metaverses telles que les concerts et les stades exigent de la densité. C’est pourquoi nous avons conçu Morpheus de A à Z afin de relever tous les défis en matière de réseau, de rendu, de son spatial, de physique et d’intelligence artificielle des mondes virtuels à grande échelle.
MSquared est notre “metaverse des metaverses” : il s’agit d’un réseau de mondes virtuels interopérables, alimenté par un écosystème de normes et de protocoles ouverts, ainsi que par notre technologie révolutionnaire. Il est conçu pour donner de la liberté aux créateurs. Contrairement aux plateformes fermées, MSquared vous permet de créer en utilisant des outils familiers, et vous êtes propriétaire de tout – qu’il s’agisse de vos utilisateurs, de vos expériences ou même de l’endroit où elles sont hébergées. Mais vous avez toujours accès à Morpheus pour les événements massifs en temps réel, et vous pouvez tirer parti de votre appartenance au réseau MSquared, qui permet aux personnes et aux objets de se déplacer d’une expérience à l’autre.
Cette technologie représente donc le meilleur compromis possible : vous pouvez créer des expériences sans précédent avec de très petites équipes, bénéficier de tous les avantages d’un metaverse connecté et garder un contrôle total.
Le concept de metaverse décentralisé a fait couler beaucoup d’encre. Comment expliquez-vous la décentralisation dans les mondes virtuels ?
Le web ouvert prospère car tout le monde peut y contribuer, ce qui stimule la concurrence et l’innovation en l’absence de contrôle central de la plateforme et de garde-barrière. Nous n’avons pas vu cela dans le metaverse, parce que l’énorme investissement financier nécessaire pour réaliser la technologie de base a conduit les grandes entreprises à construire des plateformes centralisées. Et, en conséquence, elles ont subi d’importantes réductions de leurs revenus.
L’alternative, à l’instar du web, est celle des normes ouvertes, mais pour le metaverse, afin que chacun puisse créer des expériences de metaverse qui se connectent entre elles selon ses propres conditions. Cependant, les metaverses décentralisés n’ont pas encore bénéficié de l’effort professionnel soutenu de R&D des plateformes centralisées, ni des normes d’interopérabilité nécessaires pour faciliter une expérience ouverte.
Des projets comme MSquared visent ainsi à combler cette lacune, en combinant une économie et des normes de données ouvertes et interopérables avec la technologie traditionnelle des plateformes qui permet aux expériences de metaverse décentralisé d’être compétitives, et donc de surpasser les possibilités offertes par les plateformes centralisées.
Avec l’essor des économies virtuelles, comment pensez-vous que les crypto-monnaies et la technologie blockchain joueront un rôle dans la monétisation des mondes virtuels ?
Les blockchains constituent la meilleure technologie pour les mondes virtuels qui recherchent une économie générée par l’utilisateur, extensible et interopérable. Il s’agit pour l’instant d’un phénomène marginal, mais une vague d’expériences natives du web3 est en cours de financement et d’incubation – et même des jeux MMORPG bien établis explorent la valeur des économies de chaîne.
Cependant, la plupart des jeux web3 sont cloisonnés et leur utilité est réduite par l’impossibilité d’utiliser les objets gagnés ailleurs. Ainsi, pour vraiment tirer parti de la valeur de la blockchain, nous avons besoin d’expériences qui se composent ensemble – quelque chose que nous avons vu dans le mouvement de la DeFi, où divers projets s’emboîtent comme des pièces de puzzle pour former un écosystème de grande valeur.
Quels sont les plus grands défis dans la création de mondes virtuels interconnectés et persistants, en particulier en ce qui concerne la technologie blockchain, et comment Improbable relève-t-il ces défis ?
Nous considérons la blockchain comme un outil puissant, mais il est difficile de déterminer la quantité de blockchain/web3 à exposer à un utilisateur – et cela dépend vraiment de la nature de chaque entreprise et de chaque expérience.
Quelque chose qui s’adresse à un public web3 pourrait disposer d’un login MetaMask et de NFT entièrement visibles, mais pour la plupart des gens, ces technologies devraient fonctionner de manière invisible et permettre des fonctionnalités utiles telles que l’expatriation d’objets virtuels pour les emmener ailleurs. Nous avons travaillé dur pour offrir le meilleur des deux mondes au sein de notre plateforme.
Nous nous sommes rencontrés lors du NFT de Paris. Comment envisagez-vous l’impact des NFT sur le développement et l’expérience des mondes virtuels et des actifs au sein de l’écosystème d’Improbable ?
Nous considérons les NFT comme la prochaine génération d’économies en ligne. Un univers de MMORPG persistant avec une économie de jeu florissante serait mieux réalisé aujourd’hui avec la technologie blockchain. Cette approche, à l’instar des jeux gratuits dans les années 2010, se heurte actuellement à une certaine réticence, mais elle deviendra la norme avec le temps.
Y a-t-il des projets ou des développements à venir chez Improbable que vous pourriez partager avec nous ?
Nous avons exploré toute une série de formats de metaverse en direct, notamment dans le domaine du sport et avec des “gamevents” qui fusionnent le jeu en direct et des éléments de jeux télévisés. Nous avons également organisé une grande soirée d’écoute de K-Pop pour Twice, ce qui a été très intéressant. D’autres événements de ce type sont à prévoir.
Attendez-vous à ce que nous vous expliquions comment les entreprises peuvent créer leurs propres metaverses avec MSquared, comment les individus peuvent créer des objets numériques en utilisant notre technologie, et comment notre approche permet l’interopérabilité, afin que les gens puissent déplacer leurs possessions virtuelles de manière transparente entre les metaverses MSquared.
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