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Histo Crypto : la blockchain est-elle la pierre philosophale des alchimistes ?

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Mis à jour par
Célia Simon

25 octobre 2025 16:26 CET
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Depuis des siècles, l’Occident cherche une chose impossible : une pierre philosophale capable de changer le vil métal en or, d’unifier les contraires et, au passage, de guérir le temps. La blockchain, elle, promet une autre transmutation : convertir la confiance — denrée rare, fragile — en mathématiques vérifiables. Au lieu d’un creuset fumant, un réseau d’ordinateurs ; au lieu d’un grimoire, du code open source ; au lieu d’un alchimiste solitaire, des milliers de nœuds qui s’accordent. De là à dire que la blockchain est la pierre philosophale de l’ère numérique, il n’y a qu’un mythe à franchir.

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De l’athanor à l’algorithme

L’alchimie n’était pas seulement une quête d’or. C’était un langage symbolique où le laboratoire devenait théâtre : l’athanor (le four) figurait la patience, le soufre et le mercure les principes opposés, et la transmutation, une réconciliation du monde. Derrière le rêve de fabriquer de l’or se cachait celui de fabriquer du sens : prouver que la matière obéit à une grammaire cachée. On oublie que Newton lui-même s’y est frotté, y cherchant des lois universelles avant d’écrire celles de la gravitation.

Trois promesses “alchimiques” de la blockchain

La blockchain vend trois promesses d’allure alchimique. D’abord, un registre incorruptible : écrire une fois, lire pour toujours. Ensuite, une rareté programmée : Bitcoin limite l’émission comme si l’on scellait l’athanor ; nul roi, nul banquier n’ajoute d’un trait de plume. Enfin, une automatisation crédible via les smart contracts : non pas la volonté d’un prince, mais la logique d’un code que chacun peut auditer. La transmutation ici n’est pas du plomb en or, mais du social en cryptographie : la confiance quitte les institutions pour s’incarner dans des signatures et un consensus.

Rites, protocoles et standards : des parallèles utiles

Les parallèles sont tentants. L’alchimiste s’entoure de rites ; la blockchain exige des protocoles (preuve de travail, de participation) qui rythment les blocs comme des opérations successives. L’athanor tenait au chaud la matière ; les data centers chauffent la preuve. L’alchimie parlait par symboles pour protéger son savoir ; la crypto parle par standards (EVM, BIP, ERC) pour le diffuser. Et là où l’alchimie rêvait de chrysopeia (faire de l’or), les tokens convertissent de l’attention et des droits d’usage en valeurs négociables — autre forme de transmutation, moins métallique, tout aussi puissante.

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Là où la métaphore se brise

La pierre philosophale promettait l’absolu ; la blockchain n’offre que le probable : sécurité statistique, adversaires rationnels, modèles économiques. L’alchimie cultivait le secret ; la crypto s’exhibe (audit, forks, bug bounties). Surtout, la blockchain ne crée pas de richesse ex nihilo : elle recompose des droits (transfert, accès, gouvernance) et réduit les frictions (temps, frontière, intermédiation). Elle ne change pas le plomb en or ; elle change la manière dont nous convenons du prix, du propriétaire, du règlement. Et ce monde parfait reste branché à la matière : énergie, puces, câbles — rien de magique.

L’athanor social : tokenisation et coordination

Là où la métaphore fonctionne, c’est dans l’organisation du réel. La tokenisation transforme des actifs illisibles (parts d’œuvre d’art, créances carbone, royalties) en lignes programmables ; la provenance devient traçable (chaînes d’approvisionnement, certificats), la coordination plus fine (DAO, marchés continus). En ce sens, la blockchain s’apparente moins à la pierre qu’à l’athanor : un four social où l’on cuit des règles communes pour les durcir. Le « miracle » n’est pas l’or ; c’est la synchronisation de milliers d’inconnus sans chef unique.

Le parfum des charlatans

Là où la métaphore déraille, c’est quand l’on confond promesse et parfum. L’odeur de laboratoire attire aussi les charlatans : scams, rug pulls, manipulations on-chain (MEV, sandwich). La « rareté » devient marketing, la « communauté » un prétexte à l’extraction. Les cycles d’euphorie l’ont prouvé : la blockchain n’immunise ni contre la cupidité, ni contre la concentration des richesses, ni contre le pouvoir des plateformes d’accès. L’alchimie trompait ses dupes avec des métaux peints ; la crypto peut tromper avec des tableaux de bord flamboyants.

Pierre philosophale ou pierre d’angle ?

Alors, pierre philosophale ou pas ? Disons plutôt pierre d’angle. La blockchain n’abolit ni la politique, ni l’économie, ni l’éthique ; elle déplace leurs lignes. Elle fait mieux que rêver l’or : elle rationalise le passage du « je te crois » au « je vérifie ». Si nous y mettons de bons ingrédients — standards ouverts, gouvernance claire, sobriété énergétique, pédagogie — l’athanor rendra un lingot rare : la confiance calculable. Si nous y jetons nos illusions d’enrichissement instantané, il recrachera ce qu’il reçoit : fumée et cendres. L’alchimie voulait dompter la matière ; la blockchain nous rappelle qu’il faut d’abord dompter nos mythes.

La morale de l’histoire : Satoshi nous a appris à transmuter les algorithmes en or.

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